Soulever les paupières invisibles

Un essai sur la logique du monde et de l'esprit

Soulever les paupières invisibles

Un essai sur la logique du monde et de l'esprit

Chapitre 9

Le Besoin d’Expression
de la Valeur Interne

Pourquoi faisons nous ce que nous faisons ? Quand le besoin nous anime et influence notre vision du monde.

 

Résumé : Nous exprimons des « valeurs » (émotions, sentiments, etc) par rapport à des chosechoses du monde (personnes, événements, œuvres, idées, etc). Ce chapitre présente une thèse selon laquelle nous exprimons avant tout ces valeurs (émotions, sentiments) en raison d’un besoin et non en raison des caractéristiques des chosechoses ayant « réveillé » ces valeurs. Les chosechoses en question ne seraient donc que des « ancres » (relatives à chaque individu) utilisées pour exprimer les valeurs (communes à tous les individus).

Ce chapitre renvoie fortement aux concepts développés dans l’acte I (équilibre, relativitérelativitécyclecycles, abstractionabstractiondualitédualité).



Ainsi, en faisant l’expérience de certaines chosechoses du monde (personnes, activités, événements, situations, idées, œuvres, buts, etc), il se passe quelque chosechose à l’intérieur de nous ; nous exprimons un ressenti. On peut penser que ces ressentis arrivent dans notre vie de manière aléatoire, hasardeuse, c’est à dire en fonction de la nature, de la qualité des chosechoses qui arrivent dans notre vie. Comme des réponses internes à des stimulations externes. Et que par conséquent, si nous sommes exposés à beaucoup de bonnes chosechoses nous aurons beaucoup de ressentis positifs, tandis que si nous sommes exposés à beaucoup de mauvaises chosechoses, « pas de chance », nous aurons beaucoup de ressentis négatifs. Mais alors ; si nous ne sommes exposés à rien du tout… nous n’aurons pas de ressentis internes ? Cette dernière formulation ne semble pas refléter la réalité… En fait on aurait même intuitivement tendance à penser que si nous ne sommes exposés à rien du tout, nous aurons justement de forts ressentis à l’intérieur, à cause des manques qui s’accumulent en nous. Comme si quelque chosechose, des « forces intérieures », avait besoin de sortir ; comme si les ressentis que l’on aurait pu avoir en faisant l’expérience du monde existaient déjà à l’intérieur de nous, en dépit d’attaches réelles.

Cette réflexion laisse penser que les ressentis sont finalement indépendants des chosechoses externes qui les réveillent. Ou tout du moins que les chosechoses externes qui réveillent nos ressentis n’en sont pas vraiment à l’origine. Pourtant, nous n’exprimons pas ces ressentis au hasard. Ils se « déclenchent » toujours dans un contexte sensé, dans une relation de cause à effet (à savoir l’expérience d’une chosechose particulière, ayant des propriétés particulières).

Mais alors pourquoi ressentons nous des chosechoses en l’absence d’expériences, et quel lien existe-t-il entre les ressentis et les chosechoses déclenchant ces ressentis ?

C’est ce que je vais tenter d’expliquer à travers cette thèse.

Index du chapitre



La thèse du besoin d’expression de la Valeurbesoin d’expression de la Valeur Interne [BEVBEVI]


L’expression

En tant qu’êtres humains, nous exprimons des valeurs : sentiments, émotions, ressentis, sensations, désirs, traits de caractère, positions, relations, énergies, forces… Il n’y a pas vraiment de terme suffisant dans le langage pour recouvrir ce que cela peut être. Voilà pourquoi j’utilise le terme abstrait de « valeur ». Du coup quand je parle de valeur, pensez à des énergies et des forces qui sont à l’intérieur de nous, que l’on peut ressentir, et exprimer.

Ces valeurs, nous ne les exprimons pas au hasard. L’expression se « déclenche » toujours dans un contexte sensé, dans une relation de cause à effet. En réaction à des êtres vivants (~ personnes), des œuvres, des activités, des événements, des situations, des idées, des buts…

Le besoin – « De l’amour à revendre »

Non seulement nous exprimons de la valeur, mais nous avons besoin de l’exprimer en premier lieu. L’être humain est un être qui doit exprimer, c’est à dire faire sortir les chosechoses qu’il a à l’intérieur. C’est si important pour lui qu’il va créer le contexte d’expression si nécessaire (~ art), pour ne pas déprimer.

Le niveau du besoin intérieur est ce qui fait qu’on se sent toujours différent après l’expression : le besoin associé est (partiellement) consommé. Il y beaucoup de chosechoses « imprécises » en nous, des « forces intérieures », qui, régulièrement, ne demandent qu’une clé pour sortir et se dissiper. Quand le besoin d’expression est fort… nous pouvons ressentir une sorte d’appel intérieur. Voici des exemples de ce que cela peut recouvrir :

  • Besoin d’action (d’adrénaline), d’aventure, de découvrir, de voyager, de sensations fortes

  • Besoin de créer, de construire, d’aider

  • Besoin d’avoir un loisir, besoin de faire du sport, de se défouler (~ exutoire)

  • Besoin d’être bon, d’exprimer de la confiance, du succès, de l’aisance, du contrôle (de soi et de son environnement)

  • Besoin de savoir (~ curiosité), d’observer (~ « [t]chat », « gossip », magazine people), de comprendre

  • Besoin d’avoir des relations, d’exprimer de l’amitié et donc d’avoir des amis (~ ancres)

  • Besoin de se confier, de parler de ses problèmes (confident, forums spécialisés)

  • Besoin de contact, de proximité, besoin de donner de l’amour, d’être affectueux

  • Besoin de « sensations » : rythme, impact, fluidité, douceur, chaleur (ancre = soleil)

  • Besoin d’aller jusqu’au bout des chosechoses, d’explorer toutes les possibilités

  • Mais aussi des besoins plus « primitifs » (comme manger, avoir des relations sexuelles, avoir des enfants) et des besoins moins vertueux (dominer, combattre, être méchant)


Bien sûr, cette liste est non exhaustive, il s’agit là des chosechoses qui me sont venues à l’esprit. (Je pense que derrière toute activité à laquelle beaucoup d’individus s’adonnent se cache un besoin, donc il est possible d’aller assez loin selon le degré d’abstractionabstraction). Et bien sûr, tout le monde n’a pas les mêmes besoins (en termes de quantités), et c’est là, je pense, ce qui fait notre principale différence, notre sensibilité individuelle, et par extension notre personnalité. L’ensemble hollistique des valeurs d’un individus constituent sa Valeur Interne.

D’une certaine manière, nous passons notre vie à (chercher à) combler ce besoin latent d’expression de notre Valeur Interne. Ce qui induit un comportement émergent. Je pense que sans lui, nous ne ferions pas preuve d’initiative, nous n’entreprendrions que peu de chosechoses (voire rien du tout). Nous sommes littéralement animés par ces valeurs internes, par ces « émotions ». Ce sont elles qui nous font écrire notre histoire. D’ailleurs, il est intéressant de remarquer le sens étymologique du mot émotion : « Mouvoir hors de, déloger, déplacer, chasser, dissiper ». Ce qui est dissipé et qui dissipe, ce qui est délogé et qui déloge, c’est justement ce besoin, cette force intérieure dont il est question ici.

Dans le sens classique (à la fois commun et psychologique), les émotions sont plutôt vues comme des sortes de résultats, des « sorties » du système en réaction à des événements. Alors que dans le cadre de la thèse du BEVBEVI, les émotions sont au contraire vues avant tout comme des points de départs, des sources abstraites qui vont impliquer des événements, des « histoires ». C’est parce que l’on ressent un besoin émotionnel que l’on va vivre des événements émotionnels.

La dynamique naturelle des besoins et des émotions crée une gestion émergente des priorités : les besoins qui sont naturellement forts sont plus difficiles à supporter et sont plus à même d’entraîner une initiative comportementale que les besoins plus faibles. Certains besoins peuvent devenir si forts qu’ils finissent fatalement par « forcer » l’individu à agir et déclencher une initiative à un moment ou à un autre de sa vie. Difficile de dire « non » et de ne pas céder face à un état émotionnel insistant qui chamboule notre organisme. Et c’est donc ainsi qu’en imposant des contraintes sur la vie des organismes, les besoins d’expression participent à l’organisation émergente du monde, à l’ordre naturel des chosechoses.

Ce sont les forces dynamiques qui font de nous l’acteur de notre propre vie dans le théâtre de la réalité ; en nous faisant écrire notre histoire, ils participent à écrire l’Histoire. Oui, nous sommes tous la plume de la Vie.


Note : de par les différents aspects des besoins tels que définis, on peut rapprocher la thèse du BEVBEVI à la fois de la pyramide des besoins de Maslow mais aussi de la théorie des « drives ». D’autres parallèles pourront être fait avec l’éthologie (appétence/acte consommatoire) et la pertinence émotionnelle (~ appraisal).

De discuter (prendre nouvelles)

Exprimer débarras, émancipation.

Forum spécialisé : prosopagnosie, pectus, etc.

JV, films :

sensations fortes, suspens, beauté, charisme, drame, rire (et toutes les émotions, on a besoin d’être triste autant que d’être joyeux)

Expression ← besoin ?

Il est toutefois discutable de se demander si toute expression relève forcément d’un besoin. À première vue, l’affliction (~ le chagrin) engendrée par un drame semble être directement créée par ce drame. Il paraît étonnant de dire que cette affliction relevait en fait d’un besoin. Et pourtant… combien existe-t-il d’œuvres (romans, films, etc) fondamentalement dramatiques ? Il y a un public pour cela, et s’il y a un public…

En fait il est peut-être discutable de parler de besoins, étant donné que les besoins dont je parle peuvent prendre des années avant d’être sensibles. Certains peuvent même être présents tout au long de la vie, mais être réprimés (sans pour autant entraîner la mort de l’individu).

La chosechose c’est que je ne pense pas qu’un organisme vivant puisse instantanément synthétiser un ressenti, une émotion, un sentiment, etc, à la demande, sur le moment. L’ancrage se prépare. L’expression n’est que l’aboutissement d’un processus interne qui peut avoir commencé depuis très longtemps.

Cette préparation latente de l’expression permettrait d’expliquer certaines « adaptationadaptations » et « désadaptationadaptations » (quand le temps de « préparation » du besoin est raccourci, l’effet d’expression est moins sensible ; et inversement quand le temps de « préparation » du besoin est allongé, l’effet est plus sensible). Il y a comme un « stock » de valeur à ancrer qui s’accumule à l’intérieur avec le temps. Par exemple, quand vous rencontrez un individu qui vous donne un peu de ce que personne ne vous a jamais donné dans votre vie (e.g., de l’attention)… l’expression de votre organisme va être forte.

La sensibilité individuelle de chacun dont je parlais plus haut est un autre argument soutenant la thèse du BEVBEVI. En effet, si certaines personnes se mettent à pleurer à la moindre histoire triste, ce n’est pas parce qu’elles ont une capacité plus fine que les autres personnes à se faire toucher par la tristesse et à la ressentir, comme on aurait tendance à le penser. C’est simplement qu’elles sont plus fréquemment dans un état de se faire toucher par la tristesse. La sensibilité n’est pas le témoin d’une différence qualitative associée à une valeur, mais d’une différence quantitative. C’est parce que leur organisme synthétisent davantage de la valeur associée à la tristesse, et que par conséquent leur besoin d’expression est plus fort et doit être davantage consommé que certaines personnes se mettent à pleurer à la moindre occasion. Le stock de certaines valeurs augmente et se recharge rapidement alors que le stock de certaines autres valeurs augmente et se recharge lentement. Différemment selon les personnes.

Cette conception de la sensibilité met en avant le coté illusoire de la sensibilité telle qu’on la conçoit plus communément, plus naïvement. En effet, on a naturellement tendance à penser que les personnes qui expriment beaucoup une valeur la ressentent fortement, et qu’inversement les personnes qui expriment rarement une valeur ne la ressentent que faiblement. On fait un lien de causalité entre sensibilité et fragilité, on associe forte quantité à forte qualité, comme si le tout ne dépendait que d’un seul système. Au contraire, je pense qu’il existe divers équilibres entre quantité et qualité (sur lesquels je m’attarderais plus tard dans ce chapitre), et que les personnes qui expriment le moins une valeur sont en réalité les plus à même de se faire intensément toucher par celle-ci. Cette fragilité expliquerait justement ce « déficit » d’expression : les personnes ne pourraient pas supporter une expression fréquente de cette valeur. Bref, la profondeur et la finesse de l’impact d’une valeur ne dépend pas de la capacité à synthétiser cette valeur, mais de la capacité à la ressentir. Ce qui est bien différent.

Commencé plus tôt t’aurais pu le faire avancer en plein d’occasions.

 

L’ancrage (~ lien, attache)

Expression de valeur = sentiments au sens large, induit comportement émergent. Influe également sur l’appréciationappréciation (fort besoin = appréciationappréciation forte).

Ces chosechoses (personnes, œuvres, activités, événements, situations, idées, …), ces clés, qui nous font exprimer notre valeur interne sont des ancres. Dans l’absolu, toutes les ancres possibles ne vont pas forcément être utilisées pour exprimer les valeurs. L’utilisation d’une ancre particulière est accidentelle et relève d’un concours de circonstances. C’est la valeur sous-jacente qui est nécessaire.

Bien sûr les ancres ne sont pas non plus « choisies » aléatoirement : elles disposent d’une « valence » de base, de propriétés exploitables, propices à l’ancrage de la valeur : l’expérience de la chosechose doit faire écho avec des valeurs dont on a besoin (il y a donc certains critères élémentaires). Typiquement, dans des conditions normales, je pense que l’ancrage se fait selon des stéréotypes, sur la base de critères décisifs (certains hommes préfèrent les femmes blondes par exemple). Dans ce qui est disponible, on va toujours vers ce qui se rapproche le plus de nos goûts.

Un beau jour, une personne peut rencontrer une autre personne avec de très beaux yeux et « coup de foudre », la valeur intérieure se déploie, ce qui entraîne une succession d’événements faisant de cette seconde personne l’une des chosechoses les plus importantes de sa vie. Si cette dernière n’avait pas eu ces yeux là, il est probable que rien n’aurait pris « feu » dans la première personne (~ pas d’ancrage), et que donc rien de tout cela ne serait arrivé. Mais les beaux yeux de la deuxième personne n’auraient sans doute pas eu la même puissance si la première personne était déjà éperdument amoureuse d’une troisième…

Met en œuvre la relativitérelativité (Juggernaut MUA2, Bane BAO). Ref paragraphe muleet.

Propriétés entre dans l’équation : goûts rassemblent des propriétés abstraites : préfèrent les blondes, etc.

La chosechose, c’est que dans des conditions « non normales », les critères d’ancrage s’adaptent et peuvent fortement s’élargir (~ manque, besoin fort) ou se rétracter (~ excès, besoin faible), l’esprit-cerveaucerveau essayant toujours de trouver des chosechoses « adéquates » à la satisfaction des besoins. Par exemple, au niveau de l’alimentation, s’il n’y a que du riz à manger et qu’on meurt de faim, et bien ça sera du riz, et avec grand plaisir.

Tous les aspects relevant de la sélection des ancres seront spécifiquement développés dans le chapitre 19 (~ thèse du placement de la valeur interne).


On peut facilement rater une ancre particulière (~ conjoint potentiel, opportunité, idée, …) mais difficilement la valeur interne que cette ancre aurait réveillée, qui trouvera ultérieurement une autre ancre pour se faire (c’est ce que j’appellerais fatalité automatefatalité automate dans le chapitre 14). [Car si une chosechose particulière quelle qu’elle soit peut faire exprimer une valeur interne, cela signifie que la valeur est « mûre », prête à être exprimée].

Dans le chapitre 1, je faisais déjà référence à cette propriété : « En somme, le simple fait que tout soit construit sur un ensemble de couches fait que tout constituant est substituable ; j‘éprouve les mêmes sensations en développant cet essai qu’en développant un programme informatique qui me tient à cœur, par exemple. Ce avec quoi je me divertis n’existait pas à une autre époque, et pourtant si j’étais né à une époque antérieure je me serais quand même diverti, mais avec d’autres chosechoses. C’est ça la substitution, ce phénomène de flexibilité et d’adaptationadaptation permis par l’abstractionabstraction. »

Peu importe l’époque, les valeurs à ancrer restent les mêmes. Seules les ancres évoluent.

TODO dans chapitre abs, faire un lien vers chapitre BEVBEV

BEVBEVI, relativitérelativité et abstractionabstraction

Je suis une personne très sédentaire, et de l’extérieur je pense qu’on pourrait dire de moi que je voyage très peu. Mais ce serait là restreindre ce que peut être voyager. Car s’il est vrai que je ne voyage pas en déplaçant mon corps d’un endroit à l’autre, les chosechoses apparaissent différemment si on se place du point de vue de l’esprit. Car c’est grâce à lui et à travers les idées que je voyage, c’est comme cela que j’explore (et donc que j’exprime mon besoin d’explorer et de voyager). Je n’ai pas besoin de sortir physiquement car il y a tout un monde rempli de contrées inexplorées qui m’attend à l’intérieur. Mes voyages, ce sont mes projets, mes réflexions. Là où un individu qui a beaucoup voyagé se remémore ses souvenirs de voyages dans une vision agréable, je peux me remémorer le développement d’idées et autres projets importants avec la même sensation. Mes idées sont mes ancres à voyage.

Tout le monde a les mêmes valeurs, mais chacun les a ancrées sur des chosechoses différentes. Et ainsi, certaines chosechoses nous font vibrer, d’autres pas ; nous ne résonnons que dans nos vases. C’est une idée que l’on retrouve dans certaines expressions : « c’est mon truc/pas mon truc », « chacun son truc » (anglais « my thing », « to each, his own »).



L’infusion de la valeur (dans l’ancre)

Après ancrage d’une valeur interne dans une chosechose externe, la chosechose paraît très spéciale et on se dit naturellement qu’elle avait cette valeur – ce quelque chosechose de très spécial – en elle depuis le début (voir section « Quand la raison s’en mêle »). Mais c’est faux (car indirect).

Quand la raison s’en mêle

Lorsque je me suis mis au nunchaku (~ une arme blanche typique des arts martiaux), cela m’a permis de libérer beaucoup d’énergie et de découvrir des sensations grisantes. J’aurais pu me dire « Tiens, le nunchaku a une valeur qui est adaptée à mon être absolu. C’est une chance que j’ai découvert la pratique de cet instrument. Dommage que je ne l’ai pas découvert plus tôt. ».

Mais en fait, le nunchaku n’a fait qu’exhausser certaines valeurs abstraites (~ cette énergie) qui étaient ainsi par rapport à mon vécu et qui n’attendaient qu’une ancre (~ une clé, un « matching element ») pour exploser. Autrement dit, le nunchaku n’aurait pas forcément eu le même effet beaucoup plus tôt ou tard dans ma vie. On ne peut pas rater une valeur interne, elle fait partie de nous. En fait c’est probablement à cause de l’état de mes valeurs internes à ce moment de ma vie que j’ai pris l’initiative de me mettre au nunchaku à ce moment là. Ce n’était pas de la « chance ». J’avais déjà vu des nunchakus avant, mais ça n’avait pas enclenché d’initiative. On ne s’en rend pas vraiment compte, mais nous sommes innondés d’informations chaque jour.  Les chosechoses pertinentes vis à vis des besoins sont en quelques sortes « détectées » automatiquement parmi la masse d’informations perçues et entraînent un comportement d’approche.

De la même manière, il m’arrive parfois d’avoir des petits conflits avec des gens que j’aime bien, à propos de questions dont au final je me fiche pas mal. Dans ces conditions j’en finis par me dire « Mais quelle mouche me pique ? Pourquoi je continue à réagir comme un ‘con’, à vouloir m’opposer ouvertement à son avis ? ». Je pense que la réponse est simple : à ce moment là, cette adversité devait sortir ; ce qui met en vrac ce n’est pas tant le débat spécifique que le besoin de débattre.

Et pour donner encore un autre exemple du même genre : il m’arrive très rarement de stresser, mais cela m’arrive quand même. Le truc c’est que quand cela m’arrive, ce n’est vraiment pas dans les situations les plus objectivement stressantes qu’il m’ait été donné de vivre. Là encore, dans ce genre de situations je me dis « Sérieusement, je suis en train de stresser à cause de ça ? ». De toute évidence, je dirais que ces situations concordent avec des périodes dans lesquelles mon organisme est propice au stress.

« Beauty is in the eye of the beholder »

Ainsi, il est je pense fallacieux de voir une valeur comme étant exclusive à une ancre (« Oh mon dieu, dire que j’aurais pu rater ça ! »). C’est comme tomber amoureux : « Oh mon dieu si il/elle n’avait pas existé et que je ne l’aurais pas rencontré, je n’aurais jamais pu vivre cela ! » . Concrètement oui, abstraitement non. Quand on perçoit et pense à une ancre, on lui trouve toutes les qualités possibles (avantages ou défauts), aveuglé par la valeur ancrée en elle. Mais c’est la valeur interne qui cause les effets, pas les propriétés externes. L’association effets-propriétés ne se fait que dans un second temps, comme une sorte de raccourci post-ancrage. C’est à dire que comme une ancre nous paraît très spéciale, on croit justifier cette spécialité à l’aide d’un examen objectif (c’est parce qu’il y a ça et ça et ça…). On a envie de la faire partager aux autres. « Écoute moi cette musique, tu vas voir les sensations ! », « Attend de rencontrer cette fille tu vas voir, elle est formidable ! »

On peut même aller la défendre et argumenter contre quelqu’un qui n’est pas de cet avis en se basant sur ces critères objectifs, pour expliquer où se trouve cette valeur (« C’est là, regardez ! »). Mais c’est inutile, les autres personnes pourront toujours essayer de regarder là où on leur demande, ils ne verront pas cette valeur, car elle est en vous, et qu’ils n’ont pas les mêmes ancres (même si cela peut arriver). Il n’y a plus de rationalité possible. En fait il est même possible qu’en d’autres circonstances, nous aurions été du même avis que les autres et fait partie de la défense… D’ailleurs avec l’amour et les années qui passent, on se demande parfois soi-même ce qu’on trouvait à une personne… On se dit qu’elle a changé… mais en fait non, c’est nous qui avons changé, la valeur s’est éteinte et la perception s’en retrouve impactée. Il en est de même avec les musiques que l’on a pu écouter indéfiniement dans notre jeunesse, et qui n’ont plus le même effet.

Note : on retrouve là le problème des qualia évoqué à la fin du chapitre 2.

On peut même se tromper soi même à cause de ces associations post-ancrage. À savoir qu’à certains moments, on pense avoir besoin d’une ancre particulière (besoin de vacances, besoin de jouer à ce jeu particulier, de manger ce plat particulier) par rapport à notre mémoire de ces chosechoses. Alors qu’en fait, on a surtout besoin de la valeur présupposément sous-jacente, une croyance qui peut s’avérer fausse. Ce que l’on cherche réellement, c’est le ressenti. Mais comme on associe des ancres avec des ressentis, on fait un raccourci (entre les deux, il y a la valeur). Ce qui mène bien souvent à un type de désillusion particulier, sur lequel je reviendrais dans les chapitres suivants : la discordancediscordance temporelle.

(+ déjà en train d’exprimer la valeur en imaginant l’ancre ?)


En résumé, la chosechose externe paraît spéciale parce qu’elle fait exprimer une valeur interne que les autres chosechoses ne nous font pas exprimer ; mais cela elle ne le fait pas toute seule et pour tout le monde. Si on avait rencontré la chosechose externe alors qu’on avait déjà une ancre pour cette valeur interne, elle n’aurait pas du tout eu cet effet.


Le biais de définition et la nostalgie

D’où l’importance des premières ancres. Car si elles perdurent en dépit de l’évolution du monde, elles peuvent entraîner une vision déformée par rapport au reste de la réalité, à savoir qu’elles nous font exprimer beaucoup plus de valeur interne qu’elles ne le « devraient », rationnellement parlant. De l’intérieur, tout paraît sensé. Mais de l’extérieur, l’attachement paraît irrationnel (« fanboyisme », goûts bizarres), et l’auditoire peine à voir les raisons de préférer cette chosechose dépassée par rapport au reste (« supérieur ») de ce qui est proposé par le monde. Ce biais de définition est typiquement la source de la nostalgie et de l’effet « c’était mieux avant ». Il y a de moins en moins de valeur interne au fur et à mesure des ancrages : les chosechoses d’un même type sont toujours mieux au début. Heureusement on peut se tourner vers de nouveaux types de chosechoses, et donc avoir des nouveaux débuts.



Exemple de biais de définition dans le jugement : l’adaptationadaptation d’une œuvre commet une erreur (mauvaise traduction, « mauvais » choix de voix, etc). En plein milieu de l’adaptationadaptation, la production finit par corriger son erreur. Le public qui suit depuis le début aura tendance à ne pas apprécier ce changement, même si c’est pour « la bonne cause » : le vrai c’est celui avec qui on a commencé nous. Un autre exemple similaire et assez connu : le New Coke.


Transfert de valeur (changement d’ancre)

Cela dit, une ancre non optimale peut faillir face une chosechose (concurrente) ayant des propriétés relativement supérieures (ex : personne plus attirante que conjoint actuel). Cette nouvelle ancre va absorber la valeur de l’ancienne. Pour que cela se produise, la supériorité des propriétés de la nouvelle ancre sur l’ancienne doit être significative. Cela se produit très souvent au cours de l’adolescence, lorsqu’on construit encore sa vie, lorsqu’on se cherche encore. À ce stade, la plupart des ancres actuelles ont de fortes chances de n’être que des faire-valoir fragiles et provisoires, faute d’avoir encore trouvé quelque chosechose de plus adapté (on a pris la première chosechose « faisant l’affaire » qui nous est tombé sous la main).



Besoin, recherche et concurrence

Cela dit pour qu’une chosechose soit concurrente il ne suffit pas qu’elle ait les bonnes propriétés, il faut aussi que l’on perçoit ces propriétés. Et malgré les apparences, on cesse d’être dans une optique de recherche quand on a déjà une ancre (il n’y a plus de besoin). On peut donc passer à côté des propriétés (qui ne sont pas directement apparentes), ne pas les voir. Ce qui est très particulièrement le cas dans les domaines que l’on apprécie peu : à partir du moment où l’on a trouvé quelque chosechose qui convient, on ne s’en occupe plus (on ne continue pas d’investiguer pour voir s’il peut y avoir mieux). Dans les domaines que l’on apprécie, on ne cessera pas de rechercher du nouveau, mais on sera biaisé dans notre approche (~ recherche ce qu’on a déjà eu, biais de définition).

Et donc hormis les chosechoses avec des propriétés directement apparentes (~ physiques), le reste est souvent fixé. À moins qu’il existe un problème d’ancrage chez l’individu. En effet, je pense que l’ancrage est une des bases de la « fidélité » et de « l’investissement à long termeinvestissement à long terme » d’un individu avec une chosechose particulière (~ équilibre). C’est ce qui fait qu’on n’est pas distrait, qu’on ne va pas voir ailleurs, qu’on ne commence pas des projets sans les finir, qu’on arrête pas un projet en plein chantier pour en faire un autre. Il y a une certaine satisfaction durable. Un problème d’ancrage entraînerait des difficultés pour ces chosechoses là.


Transfert et abstractionabstraction

En fait, pour que le transfert d’ancre s’effectue, il ne faut pas obligatoirement que la supériorité des propriétés de la nouvelle ancre sur l’ancienne soit absolue. C’est à dire qu’on peut aller voir ailleurs temporairement, pour se changer les idées. Ce qui est très courant dans certains domaines où les ancres potentielles sont abondantes (divertissement, cinéma, jeux-vidéo, …) : on passe régulièrement de l’une à l’autre, la valeur n’étant présente que dans une seule à la fois. Typiquement le transfert se passe de manière cyclique (~ livre, série, jeu du moment qui change tout le temps).

Mais en fait, dans ces cas là, le transfert est relatif : la valeur est distribuée dans des chosechoses qui se ressemblent. En passant d’un film à un autre, la valeur est toujours ancrée à un film. Autrement dit on peut ainsi regrouper ce qui apparaît comme plusieurs ancres comme n’en étant en fait qu’une seule (des films = le cinéma, des films et des jeux = le divertissement). Une ancre est temporairement supérieure à une autre car différente de celle qu’on utilise depuis quelques temps (~ besoin de changement, de nouveauté).

Valeur forte et valeur faible

Même si la logique de plus haut niveauhaut niveau (l’éthique, la logique sociale, etc) y est probablement pour beaucoup, il existe des différences de labilités entre les valeurs. On lâche plus facilement certaines chosechoses que d’autres (un objet ne va pas vous en vouloir de le lâcher, une personne si).

De manière générale, les valeurs « fortes » ne s’ancrent pas comme cela (et ne se détachent pas comme cela non plus, la réaction est dite tonique). D’où le piège de la gourmandise : on ne peut pas tout tester très vite pour voir ce qui s’ancre et ce qui ne s’ancre pas. La valeur forte s’attache petit à petit aux chosechoses auxquelles on est exposé de manière prolongée (famille, camarade de classe, domaine). Ça ne fait pas « ding » dès le premier contact.

De plus, les valeurs fines évoluent (valeurs restent les mêmes sur le long terme, mais dans l’instant seules certaines valeurs peuvent être exprimées, et donc ancrées) et « l’essayage » de manière aléatoire (même en testant suffisamment longtemps pour normalement ancrer) peut justement entraîner un mauvais jugement car cet ancrage particulier n’est pas disponible actuellement.

Toutefois, l’ancrage rapide existe. En effet, une courte exposition peut avoir un effet puissant (typiquement effet « waouh » : beauté fatale, démo visuelle impressionnante, bond technologique). Je pense que les chosechoses faisant ce genre d’effet montrent directement un aspect très fort dans notre référentiel. Mais ce genre d’effet, et donc l’ancrage sous-jacent, sont de très courte durée (réaction phasique, une même blague n’est pas aussi drôle quand elle est répétée). Ce qui renvoie au transfert relatif et rapide (films, jeux, livres, etc). Si être ancré à une chosechose c’est avoir la flamme pour cette chosechose, s’ancrer rapidement c’est comme déclencher un feu de paille, qui ne fait pas long feu.

C’est pour cela que dans une chosechose particulière, il y a souvent un mélange de plusieurs valeurs : des faibles et des fortes. Ainsi, même dans les chosechoses très labiles (films en général), on peut avoir ses préférés (valeurs fortes). Et même dans les chosechoses fortes on peut avoir des valeurs faibles (qui font les hauts et les bas). Les valeurs faibles étant particulièrement labiles et distribuées sur plusieurs chosechoses (ancrage ponctuel), là où les fortes sont restreintes à un petit nombre d’ancres bien spécifiques (ancrage fixe et permanent).

C’est le caractère non substituable de certaines ancres qui fait qu’elles se maintiennent bien dans le temps (dans mon cas le kung fu et la réflexion écrite) : ce sont les seules à permettre l’expression de certaines valeurs (offre/demande).


Pour sûr, les ancres ont des qualités particulières. Mais elles peuvent se faire dépasser et même régresser, sans que l’ancre ne se détache pour autant (nostalgie causée par le biais de définition, l’ancre garde l’exclusivité). Et justement, si elles se font trop dépasser ou qu’elles évoluent trop par rapport à leur état lors du premier ancrage, l’ancrage se détache et puis… plus de valeur, plus d’effet !

D’ailleurs, comme je le disais un peu plus haut, nous avons tendance à chercher les propriétés des ancres actuelles dans les autres, « nouvelles » chosechoses du monde. Nous avons tendance à juger les chosechoses par leur ressemblance, leur proximité avec nos ancres (si c’est proche c’est bien, si c’est différent c’est pas bien). Car ce sont les ancres qui détiennent la valeur interne, et donc leurs propriétés qui définissent qui a quoi (association post-ancrage). Et donc au niveau de ces critères de références, si l’ancre évolue (ex : changement d’apparence d’une personne), deux solutions :

  • l’ancre ne correspond plus, la valeur interne se détache

  • l’ancre est maintenue, c’est le référentiel (~ propriétés recherchées) qui évolue ! (apparaît lorsqu’on est vraiment attaché, relation forte, émotions fortes).



Ainsi les ancres n’ont rien de spécial dans l’absolu, mais sont spéciales par rapport aux autres chosechoses (*), ainsi qu’au contexte de leur apparition dans notre vie (contexte actuel) [cf section « De la relativitérelativité du besoin » un peu plus bas].

Toujours des trucs qui passent/fonctionnent mieux que d’autres, mais même ces derniers ont leur temps d’arrêt.

Et puis quand on regarde microscopiquement, la valeur n’est pas toujours présente. Récupère vite.

Note * : supérieures aux autres chosechoses précédemment connues, car on peut ignorer des concurrents supérieurs [cf section « Besoin, recherche et concurrence »]


Des problèmes associés au BEVBEVI et à l’ancrage

Quand l’ancrage ne peut se faire, on peut supposer une certain type d’apathie, des difficultés à s’investir dans un travail, des difficultés à entretenir des relations et à créer des liens, des difficultés à faire des choix, la présence du délire d’illusion des sosies de Capgras…
Quand l’ancrage se fait mal, on peut penser à des problèmes pour faire les bons choix, ou encore à des « troubles » comme le syndrome de Stockholm et le fétichisme sexuel.
Quand l’ancrage se fait trop vite, on peut penser à des difficultés à contenir son attention et ses émotions.
Quand l’ancrage est trop fort, on peut supposer des obsessions, des addictions, des phobies, un aveuglement critique, une passion dangereusement accaparante, etc.

Pour ce qui est des personnes en dépression et/ou avec troubles de l’humeur, je pense que le problème se situe plus au niveau des besoins d’expression que de l’ancrage en lui même.
Personnellement je vois la dépression comme un état « logique » (il arrive souvent quand quelque chosechose ne va pas) et particulier, dans lequel les personnes n’aiment plus ce qu’elles aimaient faire, cela afin de se recentrer sur les chosechoses plus fondamentales de la vie. Ce n’est pas l’ancrage qui ne fonctionne plus, ce sont certaines valeurs qui sont « off », ce sont les besoins d’expression habituels et sous-jacents qui sont « coupés ». L’état dépressif permet une prise de conscienceconscience sur la vie qu’on mène (qui n’arrive jamais d’elle même sans cela). Dans un processus dépressif non pathologique, les personnes développent de nouveaux besoins et s’ancrent sur des solutions pour aller mieux (d’où tous les livres, méthodes, et autres « produits » pour « vaincre » la dépression).

Les autres troubles de l’humeur (~ bipolarité) peuvent être vus comme une mauvaise régulation des besoins d’expression ; tantôt trop forts, tantôt trop faibles. La répercussion sur l’ancrage correspond à cet état anormal des besoins : quand ils sont anormalement élevés la moindre chosechose fait exprimer la valeur (~ rend la personne joviale et la fait rire) ; alors que quand ils sont anormalement faibles, même les meilleures chosechoses ont du mal à engendrer une expression. Bref, je pense que ces personnes ancrent les valeurs de la même façon, mais qu’étant donné que leurs besoins induisent une expression de valeurs « anormale », l’ancrage se trouve affecté.

Enfin, en dépit d’un ancrage et de besoins « fonctionnels », il peut exister des problèmes d’expression. Une expression normale, est une expression ouverte : l’individu va vers l’ancre qui a déclenché l’expression, et s’en suit une succession de comportements en interaction avec cette ancre. En ce sens, une expression fermée désigne une expression contenue : l’individu malgré son ressenti ne va pas vers l’ancre, il contient la valeur, qui reste à l’intérieur. Si une expression fermée peut être socialement convenue et adaptée dans certaines circonstances, elle peut sans aucun doute s’avérer dangereuse pour la santé mentale si le besoin d’expression est fort et persistant.


BEVBEVI et équilibre – exprimer pour exprimer

Il est assez facile de lier le BEVBEVI avec le principe d’équilibre (cf chapitre 4) : le besoin nous poussant à exprimer la valeur coûte que coûte, on finit par exprimer la valeur pour exprimer la valeur. Et à partir de là, toute une auto-organisation émerge en s’articulant autour du besoin d’expression.

C’est ainsi, selon moi, que beaucoup d’étudiants iront manifester pour manifester, et que beaucoup de soldats iront faire la guerre pour faire la guerre. C’est ainsi qu’on râle souvent pour râler, qu’on se plaint pour se plaindre, qu’on cancane pour cancaner… De la même manière, je pense que l’opposition et la révolte sont une fin en soi : peu importe le problème, certains joueront ce rôle. Par exemple, quand j’étais dans une certaine université, il y avait un étudiant qui intervenait toujours pour remettre en question les idées du cours. Manifestement, le soucis n’était pas tant dans les idées évoquées que dans le besoin de cet étudiant d’exprimer une remise en question. À la moindre occasion, l’expression se déclenchait.

Ce qui importe, c’est que les chosechoses fassent exprimer la valeur, peu importe leurs caractéristiques objectives (relativitérelativité).



Argumentation, débats et BEVBEVI

Quand un parent gronde et fait la morale à son enfant, son discours n’a parfois pas de sens. Il en est de même dans les disputes entre adultes. Dans ces conditions, ce qui est important c’est de gronder et de se disputer, c’est là que réside le cœur du message, c’est là dessus que l’attention se porte (c’est un peu comme la distinction entre une musique et les paroles de cette musique).

Ce qui est intéressant c’est que dans les débats, dans lesquels le cœur du message est censé se trouver dans les arguments, on retrouve en fait le même phénomène. En réalité je pense qu’un débat est plus un exutoire ou encore un combat qu’une tentative de raisonnement. Il y a trop de valeurs offensives et défensives pour ça. Dans un débat, on veut avoir raison : « Écoutez-moi », « Avouez le au moins ! », « Mais moi je vous parle de X et vous vous me parlez de Y », « Apparemment vous ne connaissez pas le sens du mot X », « Il faut vraiment ne rien y connaître pour sortir que W est Z ». Si on regarde bien, on se rend compte que bien souvent toutes les issues sont fermées d’avance, que quoi qu’il arrive il est possible de dévier le sens pour maintenir sa position. Les arguments sont juste un prétexte. D’ailleurs il n’est pas si rare qu’en fait les deux opposants ne se rendent pas compte qu’ils disent la même chosechose de deux manières différentes… Et ça peut durer longtemps comme ça.

De manière intéressante, c’est dans les forums de débats très actifs qu’il y a le moins de raison et le plus d’émotions « primaires ». L’être humain ne peut pas s’empêcher de mettre de la valeur dans ses interventions. Bien souvent c’est la seule chosechose qu’il y met d’ailleurs : répliques cinglantes, volonté d’être remarqué (style d’écriture de telle sorte à paraître sûr de soi), volonté de blesser l’autre, etc. Il ne peut pas simplement se contenter de donner la réponse à la question de l’auteur, ou s’abstenir de répondre le cas opposé ; non, il faut que ça sorte.


« C’est peine perdue mais il continue » – Équilibre et rôles :

Quand un maître dit à ses « mauvais » élèves qu’ils doivent faire leurs « devoirs » chaque jour pour progresser, ça ne les fera très probablement pas changer beaucoup. Ça serait trop « facile ». C’est dans leur nature d’être ainsi, et il leur en faudra plus pour s’impliquer et s’appliquer. Néanmoins le maître ne va pas arrêter de leur faire la « morale » pour autant. C’est son rôle, c’est pour ça qu’il est maître. C’est dans sa nature d’agir ainsi, peu importe les conséquences.

De manière plus abstraite, pourquoi l’acteur d’un système s’efforce-t-il de travailler sur une couche particulière pour n’en tirer que quelques bénéfices, alors que la couche d’en dessous a de gros problèmes, et qu’un simple effort sur celle-ci ferait gagner beaucoup plus ? (De l’intérêt d’optimiser ? D’essayer de bien faire son boulot alors qu’il est en décalage avec les priorités ? D’essayer même si c’est peine perdue ?) Et bien tout simplement parce que c’est dans sa nature, qu’il a un besoin pour ceci et pas pour cela ; il est simplement question de se sentir à sa place.

L’équilibre se retrouve donc dans la relativitérelativité du BEVBEVI : de ce point de vue, un individu qui s’essaye à un travail qui ne lui est pas adapté pourra se dire « ces ancres ne sont pas pour mes valeurs, elles ne me font rien exprimer de bien. »

On ne peut aller à l’encontre de sa nature qu’un certain temps. Le BEVBEVI devient comme une pulsion, comme un appel intérieur. Et cela vaut pour les « bons » comportements comme pour les « mauvais ». Pour reprendre le cas du maître et ses élèves, quand il y a trop de bruit dans la classe et que le maître demande à ses élèves de se taire, il y a de fortes chances pour qu’ils prennent cette remarque en considération – car cela leur semble effectivement plus approprié – et se taisent. Tout comme il y a de fortes chances pour qu’ils se remettent à discuter peu après… Comme nous le verrons dans les derniers chapitres de cet acte, on ne peut se façonner à l’aide de simple décisions. Il y a des besoins qui font que l’on revient à sa nature. Sinon, tout le monde n’aurait-il pas un comportement exemplaire, étant donné que l’on sait ce qui est bien et ce qui ne l’est pas ?


De la relativitérelativité du besoin

Comme je le faisais remarquer plus tôt (notamment dans la section « Quand la raison s’en même »), ce n’est pas tant la chosechose externe en elle même que le besoin interne qui déclenche l’expression.

Ainsi, on se laisse plus ou moins aller à l’expression (on « lâche » plus ou moins de valeur) en fonction de nos besoins. Cela peut aller de l’extrême blasé (qui n’exprime plus rien même sur des chosechoses magnifiques) à l’enthousiaste exubérant (qui trouve la moindre chosechose géniale, « amazing »). On peut citer également le coléreux qui s’énerve pour « rien » (dans ces deux derniers cas on tombe en plein dans l’expression pour l’expression).

Et encore une fois, on peut de là entrer dans des raisonnements fallacieux ; tout blase, les journées s’enchaînent et se ressemblent dans une monotone médiocrité. On peut se dire « vivement que quelque chosechose de bien arrive ». Puis un jour, un événement extérieur particulier et de qualité se présente et ravive la flamme intérieure. On peut se dire « Et ben mince alors, cette chosechose a de la valeur ! J’avais raison, ça existe les chosechoses superbes ! », et que si tout était monotone c’était la faute du monde extérieur, que ce ne serait pas arrivé si on avait des chosechoses comme celle-ci tous les jours. Mais là encore, c’est illusoire. Noël c’est Noël parce que ça n’arrive qu’une seule fois par an. Tout ne dépend pas uniquement de la qualité de l’extérieur, loin de là. Il faut voir le tableau dans son ensemble.

Les chosechoses réelles sont plus ou moins « bien » certes, mais les valeurs restent les mêmes indépendamment de cela.


Besoin et sensations (~ appréciationappréciation)

LINK avec travail (jus d’orange)

besoin = médiateur de l’appréciationappréciation (à mettre dans chapitre 19)

Quand on a besoin de se « gratter », gratter fait de l’effet. Si pas de besoin, pas d’effet.

Fine bouche, difficile.

Loin d’être absolue, notre perception est grandement affectée par l’état de nos besoins. Par exemple, la même nourriture nous apparaîtra plus ou moins savoureuse selon notre appétit : c’est toujours nettement meilleur quand on a vraiment faim. L’influence est particulièrement remarquable dans les cas extrêmes. Quand on meurt de soif, on se fiche pas mal que l’eau disponible a un arrière goût, on la boit en grande quantité et elle nous fait un effet très agréable. Alors que dans des conditions « normales », cet arrière goût est rebutant. L’effet est également présent dans les autres domaines sensitifs ; après un entraînement intensif, épuisé, on trouve le sol confortable et on se laisserait bien aller à dormir. De manière inverse, les candidats participant à des émissions de « survie » (type Survivor, Koh-lanta) sont très contents quand ils ont l’occasion de dormir sur un matelas (alors que cela ne leur fait ni chaud ni froid dans le monde « civilisé », c’est juste « normal »). Encore un autre exemple : pour aller en cours, je prends le tramway, et pendant quelques temps, il y eu des gros problèmes de gestion et les rames étaient toujours bondées, limite imprenables. Durant cette période, il arrivait néanmoins, assez rarement, de rentrer dans une rame remplie, mais pas pleine à craquer. Cette légère mais importante différence suffisait à se sentir à l’aise à l’intérieur, à percevoir l’espace comme étant satisfaisant (alors que ce n’était pas vraiment le cas). Les sensations récentes, en affectant nos besoins, relativisent la perception.

TODONEXT







Effet de primauté sur le très court terme : bacon => cheese, cheese => bacon [attention qualités, attention défauts]. Puisque plus ça va, moins on a faim. La première nourriture est la meilleure. (biais)





Le manque change la vision des chosechoses (manque de sexe attire sur les formes, etc). C’est pour cette raison que j’« embrace » l’effort et le manque (car j’ai dans l’idée que ça ne m’apportera que du bon une fois dépassé, « just building-up »).



















Getting old

Le manque et la privation permettent de redonner de la valeur aux chosechoses. C’est pour ça que nous aimons la nouveauté.

Car techniquement le nouveau comble un manque présent depuis la naissance. Même si en fait le nouveau n’est jamais totalement nouveau, il est inspiré par beaucoup de chosechoses existantes, qu’il réchauffe d’une certaine manière.



Ainsi on peut se lasser d’une chosechose particulière (en la répétant encore et encore) tout en se rendant clairement compte de la cause de cette lassitudelassitude (évidente). Mais on peut aussi se lasser, plus lentement, de manière plus sournoise, à cause des cyclecycles larges, du partage des valeurs dans les chosechoses (~ jeux d’action sont tous des jeux d’action, peu importe leurs différences).



Same thing over and over, not much interest. Its compressed by mind.



Prend soin des nouvelles affaires, mais étant donné que la nouveauté s’estompe, on n’en prend plus aussi soin avec le temps.



L’intérêt superficiel – « tirer son coup et s’en aller »

Hélas cette thèse du BEVBEVI va dans le sens d’un phénomène peu valorisant pour l’homme, à savoir son attrait pour le court terme et la futilité, que l’on pourrait imager par le fait de « tirer son coup et s’en aller ». En effet, quand tout est dans le besoin et que rien n’est dans l’ancre, l’intérêt pour l’ancre est purement superficiel. On peut différencier deux types d’intérêts superficiels : l’intérêt passager et le faux intérêt.

Un jour un individu va découvrir une chosechose (entendre parler d’une idée, rencontrer une personne, etc) et va la trouver très intéressante, va être enthousiaste à son égard, et peut être même vouloir faire plein de chosechoses avec. Autrement dit, cette chosechose va lui faire exprimer une valeur positive. Le problème c’est que dans énormément de cas, une fois la valeur exprimée, le besoin n’est plus. Autrement dit, l’intérêt pour la chosechose s’évapore, et donc logiquement l’individu s’en désintéresse. Au bout du compte, et bien souvent sans s’en rendre compte, l’individu n’en a juste plus rien à faire de la chosechose : elle est ignorée, comme si elle n’avait jamais existé, comme si l’individu ne l’avait jamais connue. Pas cool pour l’ancre.

C’est pour cette raison que la grande majorité des projets démarrent fort mais n’aboutissent pas. C’est pour cette raison également que beaucoup de « chosechoses à voir plus tard » (marque-pages sur internet) ne se font pas. D’une certaine manière, bien que la vie puisse paraître longue, on meurt et on renaît souvent car on peine à rester les mêmes.

[On peut supposer que le besoin active le rappel (~ souvenir, mémoire prospective). Plus de besoin → plus de rappel]



On s’intéresse à la nouveauté.

Intérêt superficiel pour l’ancre, c’est le besoin qui porte tout.

Superficiel dans le temps VS superficiel dans l’expression

Tout comme l’intérêt passager, le faux intérêt peut aussi être très court (le besoin s’estompe), mais il peut également être assez long (le besoin perdure). Mais dans tous les cas, l’ancre n’est qu’un prétexte pour exprimer le besoin (on est alors en plein dans l’expression pour l’expression). Typiquement, c’est le cas quand une personne parle d’un sujet pour faire la conversation, pour parler (~ jibber jabber). Au fond elle se fiche pas mal de ce sujet. On retrouve également cette idée dans certains comportements mielleux, certains commentaires génériques (~ sans « intérêt »). Mais bon, même si c’est énervant, ce n’est pas grave car c’est ponctuel.

Le soucis, c’est qu’on peut se laisser emporter dans une cause par un besoin. Cela arrive typiquement quand le besoin est très gros. Et paradoxalement, du fait de la force de ce besoin, on croit que l’ancrage est très justifié, très rationnel (un peu comme dans la nostalgie causée par biais de définition). Alors qu’en fait c’est juste histoire de, et bien souvent on exprime la valeur sans jamais s’intéresser aux vrais détails de cette cause. Je pense que c’est typiquement le cas de « causes » tournant autour des droits, de la liberté, du complot, etc.

Et c’est là qu’entre en jeu le dernier phénomène peu valorisant : l’opportunisme et la démagogie. Quand beaucoup de gens associent une ancre avec une valeur, il devient possible d’utiliser cette ancre pour effectuer une manœuvre « politique » par rapport à la valeur qu’elle véhicule auprès du public (dire ce qu’on veut entendre, vendre ce qui se vend, etc).


Ou exclusif – Il va falloir choisir

Il est évident que l’utilisation d’ancres empêche d’en utiliser d’autres, les valeurs étant déjà occupées. Mais il en est de même pour l’utilisation des valeurs elles mêmes : l’expression de certaines valeurs bloque l’expression d’autres valeurs. Par exemple si on se concentre trop sur son boulot, on va délaisser ses activités sociales (et donc les valeurs sous-jacentes). De manière inverse, si on se distrait de son objectif en se laissant aller à des occupations futiles, on n’exprime plus certaines valeurs.

Toutefois, il y a des limites à l’abstinence. Le besoin des valeurs exprimées ayant tendance à diminuer là où le besoin des valeurs non exprimées ayant tendance à s’accumuler, on finit par se faire rattraper par nos manques. Un moment donné on ne peut plus rater la valeur, et on est obligé de l’exprimer, que ce soit de manière réelle ou imaginaire (~ rumination, rêves, fantasmes).


Transformation de la valeur (Rien ne se perd…)

Enfin, l’équilibre se manifeste également à travers la persistance de la valeur après son expression. Car si le besoin peut s’évaporer, la valeur exprimée elle, ne s’évapore pas. C’est de là que peut émerger la nostalgie causée par le biais de définition (persistance de la valeur dans la relation, trace mnésique). Mais c’est surtout à travers la création, et notamment la création artistique, que la valeur exprimée se voit transformée. En effet, une œuvre dans lequel un auteur a exprimé beaucoup de valeurs sera elle même une nouvelle ancre pour ces valeurs là (« You can tell there’s been a lot of love put into his work »). Je pense d’ailleurs que la créativité est fortement guidée par le besoin, c’est lui qui pousse les êtres humains à créer des ancres (d’où le manque d’originalité…).

Même si les chosechoses ne sont pas spéciales en elles-mêmes (étant donné que la spécialité vient, au final, toujours de l’intérieur), il n’empêche qu’elles peuvent être typiquement spéciales, étant donné qu’une grande partie des goûts est partagée par tous les êtres humains (autrement dit que l’intérieur est plus ou moins le même chez tout le monde). L’artiste façonne selon son expression, qui est une expression « humaine ». Si lui y trouve son compte, il est probable que beaucoup d’autres hommes aussi. De la même manière qu’un beau visage fera s’exprimer la valeur « beauté » chez un grand nombre.

Externalisation de la valeur interne en valeur externe

Le but de la vie active, ce n’est pas de travailler. C’est d’apporter de la valeur à la société. Et pour moi la production de valeur externe est corrélée avec l’expression de la valeur interne. D’où l’intérêt fondamental d’optimiser l’ancrage de sa place, en tant qu’individu particulier, dans la société. La bonne place peut faire toute la différence. J’incite donc tout individu à se connaître lui-même, à connaître la dynamique de ses besoins d’expression de valeur interne, afin de trouver la place adaptée et s’ancrer dessus. Tout sera beaucoup plus facile, fluide et productif.



BEVBEVI et cyclecycles

BEVBEVI et équilibre étant liés, il n’est pas étonnant que BEVBEVI et cyclecycles soient également très liés.

Tout d’abord, on retrouve les cyclecycles dans notre comportement d’expression pour l’expression. Car pour ainsi dire, on tourne en boucle ; on ressort toujours les mêmes idées, les même arguments (~ nos ancres) dès que l’occasion se présente – je dirais même qu’on crée les occasions – (d’où les réactions extérieures du type : « il la ramène encore avec ces machins… »1 quand une personne reparle d’une idée qui lui tient à cœur, d’un épisode de sa vie, etc) ; on adopte toujours le même comportement face aux situations similaires (cf chapitre 14). Quand on voit peu une personne et qu’elle effectue un comportement particulier (discours, anecdote) on a tendance à penser qu’elle le fait pour la première fois et pour nous spécialement, mais en fait c’est probablement quelque chosechose qui ressort systématiquement.

On retrouve aussi les cyclecycles dans cette idée du transfert, du déplacement des valeurs (notamment des valeurs faibles). C’est à dire que quand on commence quelque chosechose de nouveau dans notre vie, on arrête quelque chosechose qu’on faisait avant (ou tout du moins il y a une réduction significative). Cette nouvelle chosechose la remplace car elle nous fait exprimer les mêmes valeurs. Et donc réciproquement, quand on arrête quelque chosechose, on a tendance à la remplacer par une autre.

D’une manière générale, les ancres perdent leur potentiel d’ancrage une fois utilisées pour exprimer la valeur (le premier d’une série a toujours son petit effet). C’est pour cela que nous avons nos périodes fan de x, nos périodes fan de y, etc. La valeur reste, les ancres changent. Parfois ce sont des domaines entiers que l’on délaisse sans décision. Néanmoins, si les ancres peuvent perdre leur potentiel, elles peuvent aussi le récupérer (~ après un break d’utilisation). La dynamique est cyclique.

Après trop avoir abusé d’une chosechose, on peut ne peut plus la voir (ou l’entendre pour une musique) ! Non seulement elle n’est plus ancrée à une bonne valeur, mais en plus elle est dorénavant ancrée à une mauvaise valeur. Ainsi, selon l’utilisation que l’on fait des ancres, nos préférences fluctuent. Par exemple, un carnivore peut préférer le porc au poulet. Mais si depuis quelques temps il ne mange que du porc (et pas de poulet), il est probable qu’à ce moment précis, il préfère le poulet au porc. Dans ces conditions, il n’y a d’ailleurs plus d’appétence, plus de désir pour le porc (contrairement au poulet). Cela recoupe un peu l’idée du plaisir de varier les plaisirs…

poulet jambon : changement d’armes (lames du chaos), alternance de projets (cyclecycles et threads).

« C’est comme s’il y avait du jus dedans, et tant qu’il reste du jus ça fait de l’effet »

Mais en réalité, c’est surtout le besoin en lui même qui évolue de manière cyclique (épuisement/récupération, présence/absence). Par exemple, pour rester dans le domaine de la nourriture, on ne peut pas enchaîner deux repas complets comme si de rien n’était : le besoin vient d’être consommé et n’a pas encore récupéré. Et inversement il est possible d’accumuler le besoin, se contenir toute sa vie, et tout donner quand l’occasion se présente, tout vider d’un coup, se lâcher.


Le jour ou la nuit ?

C’est à cause de toutes ces fluctuations que la raison, qui aime avoir une idée fixe sur les chosechoses, n’est pas fiable quand il s’agit de juger les ancres. Quand j’étais plus jeune, je ne comprenais pas trop pourquoi les musiques que j’avais découvertes et annotées (~ étoiles) récemment afin d’identifier celles qui font de l’effet, ne faisait justement plus ce même effet quelques temps après. Comme je le faisais remarquer dans la section « Quand la raison s’en même », il arrive que certaines ancres nous donnent envie, nous fassent rêver. Mais à l’inverse, il y a des moments où ces mêmes chosechoses ne nous disent rien, on y repense sans émotion, on reste de marbre (vaut aussi pour souvenir classiquement « hantant »). Pour la musique, parfois ça pourrait aussi bien être du bruit ambiant que ça ferait le même effet (typiquement le cas dans la dépression, valeur non disponible).

L’exemple des favoris s’applique à fond sur le porno : un jour une vidéo OMG favori. Trois jours après on ouvre le favori, c’est plus pareil.

Quantité de discordancediscordances temporelles : on était émerveillé par (ou sur d’un point de vue du BEVBEV et des ancres) des chosechoses qu’on remarque à peine aujourd’hui. La nostalgie permet de nous rappeler de cela.


BEVBEVI et gestion du temps

Nous avons tous des priorités, des chosechoses importantes à faire dans notre vie. Et pourtant, tous les jours nous faisons des chosechoses ne contribuant pas à ces priorités.

En ce qui me concerne, il m’arrive parfois d’avoir plein de chosechoses à faire, et de manière surprenante, « glander ». Je pense qu’une grande part de l’explication de ce glandage se trouve dans les cyclecycles (phases de repos, besoin d’exprimer de l’inaction), et non dans une sorte de répression active des priorités (~ procrastination).

En général on sépare l’état normal de l’état malade (anormal). Mais en réalité, c’est bien plus graduel. Il y a des états où l’on croit être en forme « normale », mais en réalité notre système est en récupération : ce sont les périodes dans lesquelles on a envie de ne rien faire, les périodes dans lesquelles on a du mal à être productif. Bien sûr il existe également les périodes inverses, au cours desquelles on a envie de faire plein de chosechoses et on abat le travail comme une machine (~ concept de « flow »).

Ainsi, ne pas avoir le temps de faire quelque chosechose ne veut pas dire qu’on a absolument pas le temps de faire cette chosechose. Ne serait-ce parce qu’on passe beaucoup de temps à « glander », temps qui pourrait être utilisé pour faire cette chosechose. Non, ne pas avoir le temps revient plutôt à dire qu’on a pas de ressources par rapport aux cyclecycles, qui sont déjà alimentés par quelque chosechose de plus prioritaire. Par exemple je peux avoir des livres à lire, mais ne pas les lire sur mon « temps libre » car je lis déjà assez de chosechoses en ce moment.

À ce propos, je connais une personne qui aime les jeux-vidéo complexes (dans lesquels il faut s’impliquer profondément) et qui s’attriste de voir les gens jouer à des jeux « pauvres et simplistes » plutôt qu’à ce type de jeux « obscurs ». Mais le truc, c’est que cette personne ne fait rien d’autre de complexe dans sa vie. Quelque part, cela comble un besoin (le besoin de s’impliquer dans une chosechose complexe). Pour moi qui comble déjà ce besoin avec le travail et mes projets, ce n’est pas ce genre de jeu qu’il me faut : j’en serais écœuré. Les jeux défoulants et/ou reposants me conviennent bien mieux car ils sont antagonistes avec le reste de mes journées, ils me permettent d’assouvir les besoins qui ont été renforcé par le travail (besoin de se détendre, de se divertir). Mais quand j’étais plus jeune, et que je ne me « cassais pas la tête » sur des activités complexes, j’appréciais beaucoup les jeux difficiles. C’était alors la source principale de challenge et de difficultés à surmonter. Depuis, je me suis lancé dans d’autres activités et mon ancrage a changé.

Mais étant donné le « partage » des valeurs, un ancrage particulier peut devenir problématique. Pour reprendre l’exemple précédent, si on « consomme » notre besoin de difficulté uniquement sur le jeu-vidéo, je pense que cela peut nous empêcher de nous lancer dans d’autres activités nécessitant de se dépasser.

Et effectivement, il s’avère que la personne dont je parlais a du mal à s’impliquer dans un travail complexe : elle exploite déjà cette valeur avec ses jeux. Accaparée par cette ancre particulière, les ressources ne sont plus suffisamment disponibles pour le reste.

D’ailleurs, l’ancrage explique également que cette personne a du mal à s’impliquer dans un travail complexe : elle exploite déjà cette valeur avec ses jeux.

Plus il y a d’ancres rattachées à une valeur, plus il est difficile d’en rajouter une autre (à moins de substituer une ancre bien sûr).

BEVBEVI et maturation

Comme je le disais au début de ce chapitre, les besoins d’expression ne sont pas les mêmes (quantitativement parlant) selon l’individu. Mais étant donné que les individus eux-mêmes évoluent avec l’âge, leurs besoins d’expression aussi ne sont pas les mêmes selon les périodes de leur vie. À ce niveau aussi, les valeurs ont une portée explicative plus puissante que les « simples » émotions de base : il est assez intuitif que les valeurs évoluent avec l’âge. En effet, avec la maturation, on s’ancre sur des chosechoses profondes (~ thème de travail, passion). Et on se désancre de chosechoses plus futiles (~ jeux) car nos besoins pour les valeurs associées ont nettement diminués. Le changement de goûts est en fait la conséquence d’un changement de valeurs à exprimer. Ce n’est pas un hasard si des enfants aimant jouer à des chosechoses simples se mettent à apprécier des chosechoses sophistiquées avec l’âge. Ils aiment ça, en vertu de leurs nouvelles valeurs.

La valeur sexuelle est aussi quelque chosechose qui explose à l’adolescence.

Les valeurs fines

Les valeurs fines sont des valeurs fortes et latentes, pouvant être réveillées par un type de stimuli bien précis à des instants biens précis. L’ouïe (sensibilité sonore) est pour moi le sens qui est le plus caractérisé par cette idée. Par exemple, l’écoute d’une musique peut faire monter en nous une sensation de force (« This song gave me strength that I never knew I had… »), ou tout simplement nous donner envie de bouger ! En ce qui me concerne, la voix de certaines personnes réveille quelque chosechose en moi à travers une sensation très agréable.

Dans le domaine musical, les périodes dont je parlais tout à l’heure mettent assez bien en avant l’idée des valeurs fines. Car on peut avoir des périodes dans lequel on est à fond dans un genre, ou plus précisément dans un groupe, et même encore plus précisément dans l’album d’un groupe, voire d’un titre d’un album ! Ce gradient montre bien que l’horloge est idéale pour une valeur assez précise dont le style du groupe tend à se rapprocher, et dont l’album en particulier se rapproche le plus, et dont la piste de l’album en particulier est la plus représentative de ce rapprochement ! (notion de prototype, ou prototype relatif idéal).

À noter que cette « chosechose du moment » n’implique pas forcément un effet de mode, on peut très bien découvrir (ou redécouvrir) les chosechoses des années après.

Comme je le faisais remarquer dans la section précédente, il y a des moments dans lequel on en veut, et on se déchaîne à travers quelque chosechose.

Et puis bien sûr, les valeurs fines évoluent : la puissance de l’intérêt s’évapore et on passe à autre chosechose.



Valeurs fines et solution miracle : « Ça y est, enfin ! … Ah en fait non. »

Je ne pense pas qu’il existe de solutions miracles (~ ancres miracles). Plusieurs fois il m’est arrivé de croire que j’avais trouvé LA solution, que ça allait résoudre certains de mes problèmes aujourd’hui et pour toujours. C’est illusoire évidemment ; notamment parce que si une solution fait des merveilles, c’est souvent en vertu d’un état cyclique particulier (cf Grande Horloge, valeurs fines). Or, dès lors qu’on applique la solution, on s’éloigne de cet état particulier. Autrement dit le problème initial change (plus ou moins sensiblement), et par conséquent cette solution pourra très bien ne plus du tout convenir (faire le même effet qu’avant). Ainsi, par analogie (en transposant la dynamique), l’idée de solution miracle c’est un peu comme penser que sous prétexte qu’on vient de manger un festin, on n’a plus besoin de manger pour le reste de ses jours.

Note : on retrouve également cette idée dans le marketing : on cherche des tendances, on cherche les chosechoses que tout le monde désire. Mais une fois qu’on trouve ces chosechoses et qu’on les exploite, les tendances changent. Ce qui fait l’intérêt d’une chosechose, ce n’est pas ce qu’elle est en elle même mais ce qu’elle fait exprimer (la valeur). Et ces valeurs changent selon l’utilisation qui est fait de cette chosechose, le lien n’est pas figé. La recherche est donc perpétuelle.



Un grand moment de l’humanitéhumanité (tout seul). Sur le coup ça nous fait cet effet là (BEVBEV).

De la même manière, il n’est pas rare que certaines personnes, sur le coup d’une découverte ou pendant l’avènement d’une technologie, déclarent qu’il s’agit là d’un grand moment voire d’un tournant dans l’histoire de l’humanitéhumanité. Ces affirmations sont souvent assez irrationnelles, conséquence d’un manque de recul et surtout d’une très forte infusion de valeur (effet de proximité, de mode, d’opportunisme).



Pourquoi les chosechoses paraissent plus importantes et meilleures/pires qu’elles ne le sont réellement ?

Effet de proximité : plus on est proche et exposé à des chosechoses particulières, plus la probabilité d’utiliser ces chosechoses comme ancres augmente.

Effet de nouveauté : de par leur nouveauté, les chosechoses nouvelles attirent l’attention et sont évaluées de façon exogène (~ sans nécessiter de recherche ou d’intentionintentions actives)

Effet de contemporanéité : tendance à s’ancrer sur des chosechoses dans l’air du temps plutôt que sur des chosechoses du passé. C’est ce qui fait que les événements d’une époque sont surtout reconnus à leur époque. Cet effet est une conséquence et une extension de l’effet de proximité.

Effet de mode : similaire à l’effet de contemporanéité, mais pour parler d’une ancre utilisée par un très grand nombre de personnes. Cet ancrage massif implique souvent une forte exposition de la chosechose en question entraînant un phénomène de réverbérations, s’influençant mutuellement.

conséquence et extension de l’effet de proximité.

L’effet de mode s’applique souvent sur une tranche d’âge. En effet, selon l’âge nous avons différents besoins, et une propension à exprimer certaines valeurs (ex : lycéens => idées anti-système, enfants => féerie). On pourrait ainsi dire qu’il y a des marchés de valeurs. C’est pour cette raison que chaque génération à ses ancres, ses idoles, ses oeuvres (elles sont différentes mais toutes utilisent les mêmes valeurs). Ces marchés ne sont pas créés artificiellement, ils ne font qu’utiliser le besoin.

Ce qu’on appelle crise d’adolescence, crise de la quarantaine, etc, mettent très bien en avant le BEVBEVI : exprimer pour exprimer.



Effet d’opportunisme : un chosechose arrive au bon moment, le fort besoin emphase les caractéristiques. Ancrage fort.

Effet de diversion / d’éclipse : du fait de la surexposition de certaines chosechoses, les chosechoses les plus exposées empêchent l’ancrage sur des chosechoses moins exposées. C’est comme si elles étaient masquées



En fait, je pense que rien d’externe n’est vraiment révolutionnaire ; surtout de la façon dont on pense que ça va révolutionner. À bien des reprises on pensait que l’avènement des technologies (l’électricité, les véhicules, la télévision, Internet) allaient changer notre existence (à tous), changer la face du monde. Mais au fond, toutes ces révolutions ne changent pas grand chosechose, le changement n’est que superficiel. Car nous, nous restons toujours les mêmes. D’une certaine manière, nous sommes des systèmes très fermés (et les intrusions, comme les drogues ne font pas de miracles…). Depuis l’aube de l’humanitéhumanité il n’y a jamais eu de « valeur hack », que ce soit une œuvre ou je ne sais quoi d’externe qui bouleverse profondément et durablement la vie. Les chosechoses qui font changer la vie des gens sont plus personnelles (valeurs fines) que des chosechoses globales.

En outre, à chaque révolution externe, on pense toujours à ce qui va changer en « bien », mais pas à ce qui va changer en « mal ». Par exemple, l’utilisation des véhicules contribue à la pollution et à diminuer les efforts physiques. On imagine toujours le plein potentiel des chosechoses, alors que dans la réalité le plein potentiel n’existe pas. On imagine toujours que les chosechoses vont nous transformer alors qu’en fait c’est nous qui transformons les chosechoses. La télévision, Internet ce sont certes des outils au potentiel surpuissant, mais ce sont surtout des outils au potentiel « mal » exploité. Tout comme l’est l’esprit dont nous disposons tous d’ailleurs, un outil qui permet infiniment plus qu’Internet. Et pourtant cette révolution externe ci, cet outil là, on en bénéficie depuis le début de l’humanitéhumanité. De tous temps, seuls une minorité d’individus utilisent le potentiel des outils car seuls une minorité d’individus en expriment le besoin. Peu importe ce en quoi consiste l’outil, ce pourquoi il a été fait, ou encore ce qu’il permet : chacun s’en servira pour exprimer ce qu’il est.

Il y a méprise sur nos besoins, sur nos envies. Pourquoi n’utilise-t-on pas le potentiel de nos outils pour s’occuper des chosechoses « importantes » ? Pour la même raison qu’on n’utilise pas son temps pour ne faire que des chosechoses « importantes ». Nos besoins sont différents.

Pour révolutionner le monde, il est donc nécessaire de faire changer les mentalités et les besoins associés.

Mindfuck : on utilise l’avènement de la chosechose comme une ancre pour exprimer la révolution.

Mais c’est sûr pour nous Internet c’est génial (EV), tout comme avoir un esprit.

Si tu allumes le feu et le laisse sans l’alimenter, il s’éteindra et disparaîtra dans l’oubli (marketing).

Les ancres changent, les valeurs restent les mêmes

Tout ça pour dire qu’au fond, l’homme n’invente rien. Il ne fait qu’exprimer des valeurs existantes à travers divers symboles. Une révolution externe est donc plus un changement de forme, une « rupture dans la continuité », un redémarrage de la même chosechose, plutôt qu’un réel changement en profondeur.

Pour changer en profondeur, il faut changer de l’intérieur.

(paradoxe de dualitédualité)

La dynamique culturelle de la valeur

En lisant cette thèse, vous penserez peut-être qu’au final, nous sommes prédestinés à la vie que nous menons. Que c’est la dynamique naturelle de notre Valeur Interne qui conditionne notre vie. Et qu’au final nous n’avons que bien peu de contrôle dans tout ça. Que nos besoins d’expression sont assez fixes et indépendants de notre volonté, que l’on ne peut rien y faire.

Mais c’est erroné. Car le lien valeur -> ancre est purement culturel. Et que les ancrages peuvent stimuler les besoins d’expression. Nos besoins d’expression ont une santé qui dépendent de la connexion que nous avons avec eux. Au niveau de l’individu, nos forces intérieures positives s’entretiennent par l’ancrage. Certains besoins « négatifs » peuvent être diminués en faisant preuve de discipline, et de substitution.

Au niveau du groupe, le comportement d’un individu peut stimuler certains besoins d’expression chez les autres. Il peut les réveiller. Certes peut-être que notre contrôle sur nous-même est assez limité. Mais la chosechose c’est que un est tout, et tout est un ; nous nous contrôlons mutuellement par nos influences les uns sur les autres. Et ça ce n’est pas quelque chosechose de limité. Rencontrer une personne peut changer à jamais la dynamique d’expression de vos besoins.

Bref, nous naissons avec une Valeur Interne de base, mais celle-ci est malléable et peut se développer ou s’atrophier selon le type de vie que l’on mène. Rien n’est fixe. Il est de notre responsabilité de calibrer la dynamique de notre Valeur Interne.





BEVBEV et force d’attraction (inversion de causalité, ce n’est pas les ancres qui causent mais le besoin).

« On dirait que tôt ou tard, quelque chosechose nous appelle à suivre un chemin particulier. On se remémore parfois ce « quelque chosechose » comme un signal entendu dans l’enfance, comme un désir sorti de nulle part, une fascination, un concours de circonstances qui joue le rôle d’une annonce : « Voilà ce que je dois faire, ce que je dois avoir. Voilà qui je suis… » Autrement, l’appel s’exprime parfois comme de petits tiraillements…qui vous tirent vers un point particulier de la berge. Avec le recul, on y lit un signe du destin… Cet appel, on peut le différer, l’éviter ou le rater par intermittence. Mais on peut aussi s’en laisser complètement envahir. De toute façon, il reviendra. Il insiste… Les personnes extraordinaires en sont touchées de façon plus évidente. C’est peut-être pour cela qu’il les fascine à ce point. Peut-être d’ailleurs sont-elles devenues si extraordinaires parce que leur appel s’est manifesté de façon claire, et qu’elles y ont répondu de façon honnête… Les gens hors-norme sont ceux qui en attestent le mieux car ils montrent ce que les simples mortels ne peuvent pas accomplir. Ces derniers sont moins motivés, plus distraits. Et pourtant, leur destin est conduit par le même moteur cosmique. Les héros n’appartiennent pas à une catégorie différente : simplement, le fonctionnement de leur moteur intérieur est plus transparent… »

– James Hillman





TODO : faire référence au BEVBEV dans le chapitre suivant (ignorance). Notamment en ce qui concerne les discordancediscordances temporelles (ancres plus valides).



TODO : dans chapitre 14, faire référence à cette théorie dans fatalités automates (quand j’en parle spécifiquement) et peut être ailleurs si intéressant.

1quand une personne reparle d’une idée qui lui tient à cœur, d’un épisode de sa vie, etc

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