Quand la conscience déraille
Dans un état normal, notre contrôle nous semble délibéré, rationnel. La conscienceconscience nous apparaît comme un tout assez vague, allant de pair avec la vie : soit elle est là, soit elle n’est pas là. Mais qu’en est-il vraiment ?
Je n’ai jamais vu de page comme celle-ci, référençant les différents troubles de la conscienceconscience, alors je me suis dit que ça valait le coup de la créer.
La chosechose, c’est que la conscienceconscience dépend de l’intégration particulière de différents « modules ». Quand une partie du cerveaucerveau est endommagée et donc que certains de ces modules dysfonctionnent, ce qui reste de la conscienceconscience peut être étonnant, et assez révélateur quant aux subtilités du fonctionnement de l’esprit et à notre libre arbitre.
Cette liste est non-exhaustive et sera mise à jour ultérieurement.
- 1 – Les agnosies
- 2 – La vision aveugle (blindsight) et l’inconscience du bon fonctionnement en général
- 3 – Patients frontaux et « l’abonnement » aux mauvaises décisions rationnelles (cas EVR)
- 4 – Patients frontaux et la perte de convenance sociale (cas Phineas Gage)
- 5 – La NSU (négligence spatiale unilatérale) et l’anosognosie en général
- 6 – Le syndrome d’Anton–Babinski
- 7 – L’aphasie de Wernicke et la jargonaphasie
- 8 – Amnésie sévère (cas Clive Wearing)
- 9 – Syndrome de Capgras
- 10 – Syndrome de Diogène
- 11 – Split-brain et double conscience
- 12 – Le syndrome de la main étrangère (alien hand syndrome)
- 13 – Hémisphérectomie
Les agnosies
Les agnosies sont des troubles « incontournables » de la conscienceconscience, même s’ils ne la font pas dérailler plus que ça . Il s’agit de dysfonctionnements de la perception entraînant une incapacité à intégrer et/ou interpréter les informations sensitives (vue, toucher, ouïe, etc). Par exemple, un individu peut ne plus voir le monde que sous forme de traits désassemblés (agnosie aperceptive) ou alors voir correctement les chosechoses mais ne plus parvenir à les identifier (agnosie associative). Mieux encore, il est possible de pouvoir reconnaître sélectivement certaines chosechoses mais pas d’autres ! (agnosie catégorielle). Par exemple, il est possible qu’un individu reconnaisse toutes les chosechoses sauf les légumes… Une agnosie catégorielle plus connue est la prosopagnosie : l’incapacité de reconnaître les visages.
Dans d’autres modalités, on peut également citer la surdité verbale : les individus entendent bien mais ne comprennent rien, ils sont incapables de décoder le langage oral. Certaines personnes sont capables de lire et pas d’écrire, d’autres l’inverse.
La vision aveugle (blindsight) et l’inconscienceconscience du bon fonctionnement en général
Voilà un véritable type de dysfonctionnement de la conscienceconscience dans lesquels les individus ne savent pas qu’ils savent. C’est ballot ! Par exemple, les individus à la vision aveugle ont l’impression de ne rien voir du tout alors que leur attention est encore attirée par des stimuli visuels (mouvement, contraste, etc). Quand on fait apparaître une lumière dans leur champ de vision, et qu’on leur demande de pointer la direction dans laquelle cette lumière est apparue, ils répondent quelque chosechose du genre « Mais je n’en sais rien, puisque je vous dit que je suis aveugle ». Mais si on les « force » à donner une réponse, celle si sera probablement bonne (ou tout du moins différente du hasard). Les individus présentant ce genre de troubles ont l’impression de deviner, de donner une réponse « au pif » alors que pas du tout. On retrouve le même genre de trouble dans la prosopagnosie que j’ai évoqué plus haut : certains individus sont incapables de reconnaître le visage d’une personne très connue parmi deux photos, mais quand on donne un indice (nom, profession de la personne connue dont le visage est présenté) alors ils se mettent à deviner correctement (à leur insu). Il s’agit d’un trouble de révélation des processus couverts : les informations sont bien révélées (ou tout du moins en partie révélées) mais la révélation en elle même ne l’est pas !
Patients frontaux et « l’abonnement » aux mauvaises décisions rationnelles (cas EVR)
Voilà plus ou moins le pendant du trouble précédent : avec ce trouble les individus connaissent la bonne réponse mais se trompent sans cesse quand il s’agit effectivement de faire un choix. Autrement dit, ils sont spectateurs de leur propre incapacité. Ce qui est encore plus ballot que de ne pas savoir qu’on sait.
D’une certaine manière, ce trouble s’oppose donc aux troubles de révélation des processus couverts ; certains individus n’ont pas du tout conscienceconscience d’être capable, alors qu’ils le sont, inconsciemment (voir vision aveugle).
Je pense que dans un état normal, ce problème est déjà présent, dans une moindre mesure. En effet, il n’est pas rare de se dire « Pourquoi j’ai fait ça ? » ou encore « Pourquoi je continue de faire ça ? « . On a bien du mal à rester raisonnable.
[Partie du cerveaucerveau lésée : cortex orbito-frontal, ventro-médian.]
Patients frontaux et la perte de convenance sociale (cas Phineas Gage)
Phineas Gage était considéré comme un homme sérieux, attentionné, sociable, fiable et ayant un bon jugement. Mais après un accident et une partie du cerveaucerveau en moins, il est devenu un autre homme. Impulsif, instable, grossier, c’est comme s’il n’était plus la même personne.
Dur de se dire que notre personnalité dépend beaucoup plus d’un équilibre physique que de convictions personnelles. Dur de se dire que tout homme peut être n’importe quel autre homme si cet équilibre change…
Ce qui est drôle avec la grossièreté permanente et excessive c’est que ce n’est pas le fait d’avoir une partie du cerveaucerveau en moins qui la fait naître ; avoir une partie du cerveaucerveau en moins la laisse tout simplement sortir, il n’y a plus rien pour la retenir…
La NSU (négligence spatiale unilatérale) et l’anosognosie en général
Encore un de ces troubles assez « drôles » qui défie notre conception de la conscienceconscience. Dans la NSU, les individus n’ont aucune conscienceconscience de toute ce qui se trouve de leur côté gauche ou de leur côté droite. Et cela inclus leur propre corps. Dans le cas d’une NSU droite, la personne se cogne souvent du côté gauche, oublie de manger le côté gauche de son assiette, ignore les objets et personnes à sa gauche, ne se lave que le côté droit. Elle peut même ignorer son bras et sa jambe gauches et se demander à qui ils sont.
Les personnes souffrant de NSU sont aussi anosognosiques : pour elles, tout va bien, s’il y a des problèmes ils viennent d’ailleurs. Par exemple, elles peuvent se plaindre de ne pas avoir assez à manger alors qu’elles ont laissées le côté gauche. Elles peuvent également se plaindre parce qu’elles ne trouvent pas un objet qui est en fait juste sous leur yeux, mais du mauvais côté (et quand l’objet rentre dans l’espace conscient, elles vont croire que quelqu’un vient de le remettre ici).
Le syndrome d’Anton–Babinski
Les individus présentant ce syndrome sont totalement aveugles, mais affirment envers et contre tout qu’elles voient parfaitement bien.
D’une certaine manière, c’est là aussi l’inverse de la vision aveugle.
L’aphasie de Wernicke et la jargonaphasie
Certains aphasiques ont l’impression de bien parler alors qu’ils racontent n’importe quoi.
Amnésie sévère (cas Clive Wearing)
L’individu garde son intelligence mais redécouvre les chosechoses toutes les 30 secondes.
Depuis une vingtaine d’années Clive Wearing tient un journal dans lequel il écrit toujours le même genre de chosechose « Ça y est, je me suis enfin réveillé, je suis conscient ! » et raye l’entrée précédente, ne se souvenant pas l’avoir écrit. Dès qu’il revoit sa femme (même si celle-ci vient juste de revenir de la pièce d’à côté), il l’accueille comme si cela faisait des années qu’il ne l’avait pas vu.
[Partie du cerveaucerveau lésée : les hippocampes]
Syndrome de Capgras
Les individus présentant ce syndrome ont l’impression que toutes les personnes qu’elles connaissent ont été remplacées par des imposteurs : elles ont la même apparence, mais ce ne sont pas les vraies.
En fait ces individus n’arrivent plus à apparier le nouveau avec l’ancien ; au lieu de réactiver et reprendre la représentation associée à l’apparence de la personne, il en crée une nouvelle. Par conséquent, quand il voit une personne familière c’est comme s’il la rencontrait pour la première fois (~amnésie) tout en ayant conscienceconscience de bien connaître une personne lui ressemblant. L’explication « rationnelle » est de conclure qu’il s’agit d’un imposteur.
La paramnésie réduplicative est à peu près la même chosechose que le syndrome de Capgras, mais pour les lieux.
[Partie du cerveaucerveau lésée : région temporo-pariétal]
Syndrome de Diogène
L’individu néglige totalement son hygiène, il vit dans un taudis, et cela ne lui pose aucun problème.
Ce qui est intéressant c’est qu’il ne semble pas y avoir d’altération du dégoût naturel chez ces personnes. C’est le dégoût social qui est absent, dégoût social qui inverse certaines attirances naturelles.
Split-brain et double conscienceconscience
Quand les crises épileptiques d’un individu deviennent incontrolâbles, il est possible de séparer son cerveaucerveau en deux pour limiter la propagation des décharges de neurones. De là il peut en résulter deux conscienceconsciences dans le même corps, deux conscienceconsciences qui ne sont pas toujours d’accord.
Plus d’infos : http://www.legiontheory.com/split-brain.html
Le syndrome de la main étrangère (alien hand syndrome)
Il y a plusieurs variations de ce trouble, mais dans tous les cas l’individu affecté ne contrôle plus l’une de ses mains, cette dernière effectuant des actions en dehors de sa volonté consciente.
Dans certains cas (dyspraxie diagonistique) la main étrangère va interférer avec les actions de la main consciente en allant à l’encontre de celle-ci. Par exemple si l’individu essaye de tourner la page d’un livre avec sa main consciente, la main étrangère va faire en sorte de fermer le livre.
Une femme affectée par ce syndrome avait déclaré que sa main avait « commencé à vivre sa propre vie ». Celle-ci déboutonnait sa robe de chambre, essayait de l’étrangler pendant le sommeil, et se battait systématiquement avec son autre main pour répondre au téléphone.
Hémisphérectomie
Dans le même genre que le split-brain, il est possible non pas de séparer le cerveaucerveau en deux mais de carrément retirer un hémisphère entier. Ce qui est troublant ici, ce n’est pas qu’il y a un trouble après l’opération, c’est que justement il n’y en a pas vraiment. On enlève une partie du cerveaucerveau et la conscienceconscience reste. Mais alors qu’en est-il de l’autre partie ? A-t-on tuée une partie de la personne avec l’opération ? Qu’adviendrait-il s’il était possible d’intégrer cette partie du cerveaucerveau dans un nouveau corps ?