Acte III
Le cerveau, un ordinateur particulier
Une multitude de systèmes sont mis en place au sein de notre cerveaucerveau, et interagissent pour permettre le bon déroulement de la vie.
Cet acte a pour but de proposer un paradigme assez technique sur les différents mécanismes dont est capable l’esprit en faisant un parallèle avec l’informatique. Il sera l’occasion de revenir sur plusieurs de nos limites permettant de respecter les principes de l’acte I, et notamment la façon dont ces limites sont maintenues dans le temps.
S’il y a bien un terme sans équivoque qui peut rapprocher un cerveaucerveau d’un ordinateur c’est celui de mémoire. Ce terme est tellement associé au domaine de l’informatique qu’il me semble difficile d’approcher le fonctionnement de la mémoire humaine autrement que d’un point de vue informatique.
En informatique, les systèmes sous divisés en sous-systèmes, chacun ayant un rôle particulier. La mémoire est un de ces sous-systèmes : elle sert à stocker des informations. De la sorte, il n’est pas étonnant que de manière analogue, nous voyons la mémoire comme une composante majeure de la cognition : la composante servant à stocker des informations. Quand on pense à notre mémoire, on pense à un « disque dur » qu’on aurait dans la tête.
Mais ce qui est drôle avec la mémoire que nous avons (et aussi dans une moindre mesure avec la mémoire informatique), c’est qu’en réalité elle n’a pas d’existence propre. On pourrait même aller jusqu’à dire que notre mémoire n’existe pas autrement qu’en tant qu’abstractionabstraction de notre esprit ; une abstractionabstraction typique de notre perception existentielleperception existentielle (~ mémoire = bac de souvenirs). Car en réalité, la mémoire est partout et nul part en même temps ; tout ce qui persiste un tant soi peu (par exemple notre corps) n’est-il pas mémoire ? Ainsi, au niveau de la cognition, c’est avant tout parce qu’il existe un mot et une définition de la mémoire que nous lui accordons une existence, et que nous l’étudions en tant que mémoire : parce que nous accédons à et oublions certaines informations, nous avons une mémoire. Mais y-t-il des zones dédiées à la mémoire dans le cerveaucerveau ? C’est peu probable. Toute zone du cerveaucerveau, de l’organisme ou même du monde, indépendamment de ses rôles, est mémoire, car toute zone persiste, pendant des durées plus ou moins variables, dans un état. C’est donc la persistance particulière de certaines zones particulières (e.g. zones sensorielles) qui forment ce que nous appelons la mémoire.
Ainsi, que ce soit au niveau de l’ordinateur artificiel ou du cerveaucerveau naturel, la chosechose qu’on peut qualifier de mémoire est implantée un peu partout de bien différentes manières en fonction du rôle qu’elle joue dans un système global. Abstrait de tout élément extérieur à la mémoire, ce système peut être nommé système mémoriel.
Chez les êtres vivants et en particulier chez l’homme, ce système mémoriel peut être divisé en deux sous-systèmes, se distinguant par la durée de persistance des états : le système de mémoire à long termemémoire à long terme et le système de mémoire à court termemémoire à court terme.
Contrairement aux deux actes précédents, les informations de cet acte (exception faite du chapitre 19, assez personnel) s’ancrent fortement dans des connaissances et modèles « classiques » ; tout simplement car cet acte III recouvre des thèmes déjà bien étudiés et que la plupart des « résultats » correspondent avec les réflexions que j’ai mené de mon côté. Pour ce qui est de la mémoire, je reprends beaucoup d’idées issues des modèles psychologiques « reconnus » de la mémoire humaine, qui dans l’ensemble m’apparaissent bien refléter la réalité. La particularité de mon explication est de pousser plus loin le parallèle avec l’informatique, ce qui j’estime a le mérite d’apporter de nouveaux éléments, me permettant ainsi d’intégrer de nouvelles notions pour compléter la vision classique, notamment au niveau de l’utilisation de la mémoire.
En effet, la vision de la mémoire présentée ici est centrée sur la cognition (~ sur la pensée) et son développement, et non sur le stockage d’informations. Car le but premier de la mémoire (en informatique comme en « biologie »), ce n’est pas simplement de stocker des chosechoses pour stocker des chosechoses. Non, le but fondamental de la mémoire est de maintenir des informations dans un état donné afin de poursuivre un processus, afin de poursuivre un « travail ». En réalité, le « stockage de masse » est un rôle secondaire de la mémoire, permis par le développement des capacités avec le temps.
Ainsi, l’intérêt de la vision explicative présentée ici sera de mettre en évidence comment le fonctionnement de notre mémoire nous permet de mener à bien nos différentes activités – ainsi que de manière plus générale notre développement personnel – à travers le temps, et donc comment tirer profit de la bonne compréhension de ce fonctionnement.
Je vais d’abord présenter le système de mémoire à court termemémoire à court terme car le fonctionnement du système de mémoire à long termemémoire à long terme dépend trop de celui-ci pour faire le contraire. Ensuite je présenterais la façon dont ces systèmes interagissent dans l’émergence de la cognition globale.
Note : Je ne sais pas s’il est plus adéquat de parler de système de mémoire du cerveaucerveau ou de système de mémoire de l’esprit. En effet, si au niveau de l’ordinateur c’est le physique qui définit le comportement du système mémoriel, il semblerait plutôt qu’au niveau du cerveaucerveau ce comportement soit tout autant d’ordre logique que physique. C’est à dire que chaque fonction n’a pas une location particulière physiquement parlant.
De la validité d’un modèle Selon moi, il faut bien garder à l’esprit que les modèles permettant de décrire des systèmes très complexes sont des abstractionabstractions (des façons de percevoir une chosechose) ; chaque modèle se concentre sur des éléments spécifiques, chaque modèle regarde les chosechoses sous un angle particulier. Il existe une infinité d’abstractionabstractions possibles. Et donc d’une certaine manière, tous les modèles sont légitimes. Il n’y a pas UN modèle véritable qui permet de tout prendre en compte : il serait beaucoup trop complexe et indigeste (car il existe trop de niveaux d’abstractionabstractions différents). La perception est contextuelle : un modèle est ou n’est pas pertinent selon le contexte fonctionnel dans lequel la conscienceconscience se place. Mais alors, est-ce que les composants d’un modèle particulier existent vraiment ? Oui et non. Oui car on ne peut nier qu’un modèle qui colle avec la « réalité » contient une part de vérité. Et non car même si cela colle avec la réalité, ce ne sera jamais exactement ce qui existe dans la réalité (c’est une image, une abstractionabstraction, une perception). Mais si on n’accepte pas du tout l’existence des composants logiques d’un modèle, pourquoi accepter l’existence d’autres entités logiques ? Le problème c’est qu’à partir de là, soit tout ce qui est logique existe, soit rien de ce qui est logique n’existe. Dans le cas des modèles, on peut se baser sur la congruence pour y voir plus clair : si toutes les données (en particulier celles d’autres domaines) ne contredisent pas le fonctionnement d’un composant logique, voire s’ils vont dans le sens de ce fonctionnement, alors il est plausible qu’il existe bel et bien quelque chosechose de similaire à ce composant. Dans le cas contraire, il faut réétudier les données. Certains modèles tiennent la route, d’autres pas. |