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Soulever les paupières invisibles

Un essai sur la logique du monde et de l'esprit
SOMMAIRE

Soulever les paupières invisibles

Un essai sur la logique du monde et de l'esprit

Chapitre 6

La création du monde : Dieu face au hasard

Mais d’où provient l’intelligence du monde ?

 

Quand on regarde comment le monde est structuré et fonctionne, on peut se dire qu’il est quand même vraiment bien fait. On y trouve toutes sortes de principes et de règles que beaucoup de chosechoses semblent suivre avec rigueur et précision, comme si tout cela était prédéterminé.

En outre, certaines chosechoses du monde sont assez étranges, on a du mal à croire qu’elles ont pu émerger, comme ça. Par exemple, les principes de bien et de mal semblent être essentiels, indissociables et même « dans nos cœurs » (~ essentialisme).

– le plaisir semble régulé de manière à préserver un équilibre mental et une certaine équité (point qui sera davantage développé dans l’acte II),

– la relativité nous permet de donner de l’importance à des chosechoses futiles et d’éprouver du désintérêt envers des chosechoses essentielles,

– les principes de bien et de mal semblent être essentiels, indissociables et même « dans nos cœurs » (~ essentialisme)

– l’adaptationadaptation et la permissivité permettent de se sortir de certains culs-de-sacs autrement fatals,

De plus nous verrons dans l’acte II que certains mécanismes font également preuve d’une sophistication ingénieuse :

  • notre cerveaucerveau semble être une machine extrêmement puissante mais « délibérément » limitée (~ conscienceconscience) pour permettre la vie

  • la douleur est un système ingénieux pour auto-conserver dans le temps un corps complexe mais fragile

     

Mais d’où viennent ces règles et ces principes ? Ce sont des chosechoses « bien pensées », il a forcément fallu les imaginer pour qu’elles apparaissent… C’est tellement bien fait, tellement « carré » que cela en devient troublant si on fait une fixation dessus…

Prenons l’exemple de l’apparition de la vie. Alors déjà il faut trouver une planète de taille moyenne et d’une masse idéale. La masse définit la gravité, qui elle même définit quels atomes l’atmosphère contiendra. La Terre par exemple, est assez légère pour ne pas retenir certains gaz légers toxiques et assez lourde pour retenir l’oxygène et l’eau.

Cette planète doit avoir une étoile (~ une planète enflammée). Celle-ci doit également avoir une taille idéale ; si elle est trop grosse elle s’éteindra trop tôt et si elle est trop petite elle ne s’allumera même pas. Pour la Terre, c’est le Soleil. La distance entre l’étoile et la planète est cruciale car elle définit la quantité de rayonnement solaire reçue par la planète. Bien calibrée, elle permet d’avoir une température supportable (et qui laisse l’eau sous forme liquide), la bonne dose de lumière pour les végétaux et surtout permet de limiter les rayonnements nocifs reçus (ultraviolets, etc). Si la Terre avait été un peu plus près du Soleil elle serait une fournaise, tandis que si elle avait été un poil plus loin ça serait l’âge de glace.

Il faut déjà bien fouiller pour trouver une planète qui correspond à ces critères. Surtout que dans un premier temps, pour trouver une planète il faut qu’elle puisse exister et surtout perdurer. C’est à la physique que l’on doit ça. Et on peut dire que niveau rigueur et précision, la physique c’est carrément démentiel. De manière générale, les forces physiques fondamentales (gravitation, force électromagnétique, forces nucléaires électro-forte et électro- faible) et les constantes universelles (vitesse de la lumière, constante de Planck, constante de gravitation, Pi, nombre d’or…) sont idéalement réglées pour permettre l’apparition de la vie. Elles ont beau être définies par des chiffres à rallonge, le changement de la moindre décimale mettrait tout en l’air. Alors d’où viennent ces réglages minutieux ? L’astrophysicien Trinh Xuan Thuan résume les chosechoses ainsi : « L’univers a été réglé très précisément pour l’émergence de la vie et de la conscienceconscience. Le réglage initial est d’une virtuosité époustouflante : on pourrait le comparer à l’habileté d’un archer qui réussirait à planter sa flèche au milieu d’une cible carrée de 1 centimètre de coté, éloignée de 15 milliards d’années-lumière »…

Comment le hasard aurait-il pu faire ça tout seul ? On dérègle un paramètre d’un micro-poil et c’est le chaos. Sachant que l’univers est en perpétuel mouvement (il est dynamique, changeant), à chaque seconde depuis des milliards d’années le hasard fait potentiellement bouger un paramètre vital, et pourtant tout semble stable. Et je ne vous parle même pas de la chaîne alimentaire…

Nous avons vu que lors du processus de reproduction, si un géniteur humain a le « malheur » d’apporter deux exemplaires du même chromosome au lieu d’un, le résultat qui s’opère est radical, même si l’individu peut survivre. Alors que serait la conséquence d’une erreur plus générale ? Il est étonnant de ne voir aucune catastrophe climatique « majeure » (dans le sens qui touche une énorme partie de la planète) depuis tant de temps. Tout semble idéalement réglé pour avoir un système profond et stable ; les émotions, la morale, la douleur, le plaisir, la conscienceconscience… Toutes ces chosechoses semblent avoir été établies à l’avance quand on y regarde de plus près.



L’évolution elle même peut paraître réglée. En arriver à un tel stade de complexité uniquement grâce à l’adaptationadaptation paraît dingue. En fait, rien ne semble laissé au hasard… Créer l’humour par hasard, créer quelqu’un qui se pose des questions sur le hasard par hasard, créer Patrick Sébastien par hasard… Cela ne se peut !

Quand on voit qu’une « stupide » araignée arrive à créer sans broncher un piège de toile avec des formes géométriques aux mesures parfaites, dotées d’une élasticité étudiée (résiste aux intempéries et permet de bien accrocher les proies) dès la naissance… Le piège idéal en somme, Rambo n’a qu’à bien se tenir… Dans le même genre, on peut parler de la danse en huit de l’abeille qui permet d’indiquer assez précisément à ses congénères la direction, la distance et la quantité d’une source de nourriture se trouvant à plus de 100 mètres, des termites et de leurs termitières, ou encore du castor et ses barrages.



Quand on a les moyens, rien n’est impossible

Mais ce qui est le plus dingue en fait, c’est qu’il est effectivement possible que le monde, aussi sophistiqué soit-il, se soit créé de lui même. En effet, la matière a tendance à se rassembler et former des corps complexes. Et les composés « supérieurs » (~ qui s’avèrent être mieux « pensés » pour ce monde) ont tendance à perdurer dans le temps face aux composés « inférieurs ». Un phénomène qui après des milliards d’années permettrait d’aboutir à un monde aussi complexe et complet que celui dans lequel nous vivons. On serait alors le simple fruit d’un concours de circonstances incroyable et non d’une sorte de grand projet. Et si c’est le cas, vous pensez que la lecture de cet article est un événement anodin d’une vie qui n’a rien d’extraordinaire alors que la « chance » que vous avez de lire cet article multiplié par la chance que vous avez d’être arrivé ici multiplié par la chance qu’un paramètre vital ne change pas d’un iota d’ici la micro-seconde qui suit cette lecture, relève tout simplement du dément ! Ou pas d’ailleurs, il est possible qu’en répétant l’existence de l’humanité on arrive à quelque chosechose de très similaire (cf jeu de la vie, abstractionabstraction), et peut être même que d’expérience en expérience on finirait par voir réapparaître beaucoup de chosechoses que l’on connaît : vous, moi, Internet, cet article et peut être même Patrick Sébastien.

Une vision biaisée

Le monde paraîtrait alors complexe et irréprochable uniquement parce que c’est le seul que nous pouvons constater. On ne voit que le résultat d’expériences réussies parmi la quantité infinie d’expériences débutées (~ biais de survie). Le travail final après des milliards d’années de chantier. L’œil paraît être idéalement conçu pour voir mais ce n’est que le fruit de nombreuses évolutions de matière organique en réaction avec la lumière. On peut voir, entendre, sentir grâce à des capteurs qui se sont développés petit à petit… Mais d’ailleurs qui nous dit qu’il n’y a pas d’autres sens qui ont échappés à l’évolution ? Je pense notamment à des capteurs de télékinésie, aux ondes énergétiques que nous dégageons et qui pourraient expliquer certains phénomènes paranormaux… Cela nous fait un peu rire, mais au fond c’est parce que nous avons du mal a accepter la possibilité d’être passé à côté de quelque chosechose d’aussi gros.

Biais de rétrospection

Non seulement c’est le seul monde qu’on peut constater, mais c’est également le seul que l’on peut conceptualiser. Par exemple, pour en revenir à l’apparition de la vie, on se dit que tout a été réglé pour que la vie existe, mais c’est parce qu’on a une conception bien particulière de la vie. Lorsque l’homme recherche la vie sur Mars ou ailleurs, il cherche quelque chosechose de similaire à ce qu’il a sur Terre. Alors que ce n’est pas forcément le seul type de vie possible. Mais c’est le seul qu’il puisse conceptualiser (du moins correctement et de manière partagée).

On se fourvoie sur l’ordre des chosechoses. Certains disent que le cerveaucerveau est fait pour la lecture. Mais en fait c’est dans le sens inverse : c’est la lecture qui est faite pour le fonctionnement du cerveaucerveau. Si le cerveaucerveau fonctionnait différemment, la lecture (et l’écriture) aurait été construite différemment. C’est un détournement des systèmes en place, notamment du système visuel (cf permissivité de l’abstractionabstraction).

De la même manière, notre système de perception sexuelle n’est pas conçu pour détecter des seins, des muscles, des fesses, etc. Il détecte des formes particulières (c’est pour cela que le dessin ne nécessite pas de photo-réalisme pour être correctement perçu, au contraire). L’adaptationadaptation étant ultra-progressive, elle ne verse jamais dans le finalisme.

On retrouve le sens avalement de l’abstractionabstraction (lave-linge conçu pour tout laver, mais fait pour nettoyer des tâches).

Et donc pour en revenir à la vie, certes la Terre propose beaucoup d’avantages pour son apparition, mais c’est surtout la vie terrestre qui est adaptée à la Terre. Si quelques paramètres avaient été différents, la vie aurait quand même existé, elle aurait simplement elle aussi été différente (par exemple s’il y avait plus de rayonnements nocifs, la vie serait plus résistante à ceux-ci qu’elle ne l’est actuellement). On retrouve ici l’idée de juste nécessité (cf chapitre précédent), le réglage des paramètres se fait « online », et non à uniquement à l’avance. Le monde sait être changeant quand il le faut. C’est donc « normal » que tout soit réglé idéalement, c’est le principe !



Pour en revenir à l’histoire des probabilités, je suis content que mes œuvres artistiques préférées aient pu voir le jour. Cependant certaines d’entre elles auraient très bien pu être détrônées par d’autres qui ont raté de peu leur naissance. D’ailleurs même des chosechoses aussi vastes et fédératrices que des styles de musique arrivent encore à émerger (le rock c’est assez récent), alors le monde n’a pas fini d’évoluer.

(par exemple FF X-2 qui était à l’origine basée sur le trio Auron, Jecht, Braska et a muté en base Yuna, Rikku, Pain :@)

Seuls les rares gagnants au loto sont visibles, l’immense majorité de perdants est oubliée dans le temps. Alors c’est normal que cela paraisse incroyable après toutes ces années.



Et chaque seconde qui passe, si le hasard est le grand régisseur, si le monde tourne en roue libre, alors plus la probabilité d’émergence d’une erreur critique augmente (Big Bang le retour). Mais quel sera donc le papillon dont le simple battement d’ailes déclenchera une tornade à l’autre bout du monde ? Peut être même que ce battement fatal n’est autre que l’origine elle même – dont les conséquences en chaîne retentissent aujourd’hui encore – et que donc le système entier est condamné depuis le début…

Enfin bref Dieu ou hasard, à notre niveau on s’en fiche, j’ai envie de dire (cf niveau humain). On pourrait bien tous être en train de rêver que ça n’y changerait rien, les phénomènes sont là, il y a des règles et des lois en œuvre. Ce qu’il faut retenir c’est que le monde est incroyablement complexe et bien pensé. Peu importe ce qu’il en est, c’est tout comme si les meilleurs ingénieurs s’étaient chargé de le concevoir. Je dirais même que pris dans sa globalité, il nous dépasse complètement. Et c’est bien normal d’une certaine manière puisque si la Nature nous a créés, alors elle est vraisemblablement plus intelligente que nous. Néanmoins en faisant preuve d’abstractionabstraction il est possible de délier cet ensemble, de trouver le sens de chaque chosechose, et ça c’est ce qui intéresse, propulse et alimente beaucoup de personnes.



Pour conclure cet acte, un petit questionnement sur ce qu’est l’intelligence, qui fera office de transition à la logique de l’esprit (conscienceconscience, libre-arbitre, qu’est-ce qu’un esprit ?).

 

 

De l’intelligence de la Nature

Face à ce que je viens de dire plus haut, on pourrait me répondre « Il est fallacieux de dire que le monde est bien pensé, et donc que la nature pense (prévoit) intelligemment les chosechoses, car elle ne fait que suivre des règles : le reste découle de l’émergence. Elle n’est pas comme nous, il ne faut pas abuser sur l’anthropomorphisme. »

En fait à partir du moment où le monde est intelligent (et produit des êtres intelligents), je pars du principe que la Nature (sinon un Dieu) est beaucoup plus intelligente que nous. Après, il ne faut pas prendre le mot intelligent comme synonyme de conscient, mais plus dans le sens « ingénieux ».

Et puis bon même, nous autres humains, pensons nous réellement (plus que la Nature) ? Faisons nous, que-dis je, sommes nous autre chosechose que le déroulement de toutes les différentes couches de logique contenues en nous ?

Quelque part, la pensée consciente (~ vie consciente, libre-arbitre) n’est qu’une façon (formatée par l’évolution) de voir certains automatismes (tout comme la vision des couleurs, la perception des visages, etc). Une illusion, une apparence, une couche finale de logique pour masquer toutes les autres, et ainsi à la fois simplifier et cadrer notre approche du monde (cf niveau humain, perception existentielleperception existentielle, chapitre 1).

La Nature, c’est une entité abstraite qui n’existe pas vraiment, de la même manière que notre esprit ou notre conscienceconscience n’existent pas vraiment. Mais ce sont des chosechoses pensables, adaptées à notre intellect. Ainsi, il est pour nous plus facile de concevoir le fonctionnement de la nature en faisant le parallèle avec la « pensée », car nous sommes formatés pour cela. Et c’est bien pour cela que depuis l’aube de l’humanité, les hommes n’ont cessé – à travers la religion notamment – de construire des théories créationnistes attribuant une intentionintention « humaine » à l’ordre des chosechoses : c’est adapté à notre fonctionnement mental. Je dirais même que c’est une extrapolation de notre fonctionnement mental : je pense qu’on est « censé » attribuer des intentionintentions à tout ce qui se rapproche de l’homme (à commencer par nos congénères), pas à tout ce qui existe. Hélas plutôt que de démystifier la « magie » de l’homme et le mettre sur le même plan que la nature, la plupart des religions ont mythifié la Nature…

Au tout début de cet essai, j’ai parlé de programmation informatique de haut niveauhaut niveau (programmation dite orientée objet), permettant de simplifier la conceptualisation de logiciels complexes. Ce paradigme permet de mentionner directement les objets et interactions de la « vie réelle » (personne, pomme, voiture, bouger, manger, etc) tout en faisant abstractionabstraction des aspects purement techniques. Si on regarde bien, quelle est la clé de cette simplification ? Tout simplement l’ « anthropomorphisation » du programme. On fait se rapprocher le code (et ses interactions) de notre fonctionnement mental humain. Et ainsi quelque chosechose de complexe et compliqué devient accessible. Pour autant, le programme ne devient pas « magique ».

Je pense qu’il y a la bonne façon d’utiliser l’anthropomorphisme (faciliter l’appréhension des phénomènes complexes), et les « mauvaises » (~ mystifier encore plus quelque chosechose de déjà nébuleux).

Mais pour moi, il n’est pas du tout aberrant et stupide d’humaniser les processus (y compris les processus naturels). Qu’est-ce que l’intentionintention, l’effort, le mérite si ce n’est que des abstractionabstractions de processus qui n’ont rien de spécifique à la conscienceconscience ?

Du fait de notre perception existentielleperception existentielle, nous faisons déjà naturellement de l’anthropomorphisme… sur nous mêmes ! Comme je le disais dans le chapitre 1 (section sur le niveau humainle niveau humain) nous avons appliqué beaucoup de nos propres mécanismes aux machines que nous avons construit, mais sous des termes différents. Quand c’est organique, et a fortiori humain, c’est différent, c’est « spécial », c’est à part.

Si on se met dans la tête de l’individu moyen, celui-ci à l’impression d’acheter ce qu’il veut de manière réfléchie et délibérée. Pourtant ce n’est qu’un agent « standard » et assez prévisible d’un point de vue du système économique.

Il n’est donc pas dénué de sens de dire que le monde est bien « pensé », la Nature nous ressemblant beaucoup plus qu’on ne l’imagine. Notre intelligence n’est autre qu’une extension d’elle même, la Nature s’est littéralement recréée à travers nous (par exemple, notre système auditif, dans son agencement de mécanismes, ressemble fortement à une création humaine ; cf mimétisme inconscient, chapitre 1). Notre logique est la sienne. Comprendre comment nous fonctionnons, c’est aussi comprendre comment elle fonctionne.

Bref, quand on se demande d’où provient l’intelligence, il faut d’abord se demander qu’est-ce qu’on appelle intelligence. Pour moi, l’intelligence est une conception abstraite de mécanismes, c’est un point de vue. Et en cela, la Nature est comme nous, intelligente.

De la conscienceconscience de la Nature

Mais si la Nature est intelligente, est-elle aussi consciente ? Si l’intelligence est avant tout un terme, un point de vue, qu’en est-il de la conscienceconscience ? La conscienceconscience est à un niveau au dessus de l’intelligence : c’est une intégration particulière d’intelligences indépendantes. Chaque partie de notre cerveaucerveau représente une intelligence relativement spécialisée. C’est d’une intégration particulière de toutes ces intelligences qu’émerge la conscienceconscience.

Note : l’inconscientinconscient est également une intégration d’intelligence.

Par conséquent, la question est déjà de savoir si la Nature intègre les intelligences ou si tout se développe indépendamment sans jamais se commuter (~ la Nature serait alors partout et nulle part). Étant donné que nous sommes nous mêmes une sous partie intégrée de la nature, la réponse est toute trouvée.

Mais dans quelle mesure la Nature intègre les intelligences, et est-ce toujours une intégration comparable à la conscienceconscience humaine ? Ce qui est sûr, c’est que la Nature développe une intelligence à long terme. Mais la conscienceconscience de la Nature, si elle existe, n’est sûrement pas aussi directe que celle de l’homme. Censément, la Nature ne prend pas de recul.

De là à dire que la Nature prend du recul. La Nature ne prend pas de recul. Or does it ? Intelligence à long terme. (qu’est-ce que je suis en train de faire ? Quelles seront les conséquences possibles ?)

De plus, quitte à parler de conscienceconscience, et donc de conscienceconscience unique, autant parler de conscienceconsciences multiples. Entre notre conscienceconscience et celle de la Nature globale, il y a de la place pour d’autres. D’ailleurs, même dans ce qui fait notre conscienceconscience il y a de la place pour plusieurs, que ce soit d’un point de vue « physique » ou « logique ». En effet, d’un point de vue physique, quand on retire un hémisphère cérébral d’un individu, celui-ci a toujours une conscienceconscience. De même, quand on sépare les deux hémisphères d’un individu, il y a plus ou moins un dédoublement de la conscienceconscience (cf syndrome de la main étrangère, trouble dissociatif de l’identité). Enfin, d’un point de vue logique, notre conscienceconscience n’est-elle pas différente selon l’activité que nous faisons ? (cf mode de conscience, chapitre 16). Dans un sens large, la conscienceconscience est une propriété émergente de l’agglomération d’intelligences. Mais comme nous le verrons dans l’acte II, ce qui caractérise chaque conscienceconscience, c’est son rôle, sa « raison d’être » : la conscienceconscience humaine, dans le sens classique, a pour but de permettre l’expérience de la vie humaine qui va permettre le bon fonctionnement du niveau humain (cf chapitre 1 et 4). En ce sens, elle n’est pas comparable avec des potentielles conscienceconsciences non humaines, qui auraient alors des rôles différents.

La nature n’a pas de centre intégrateur, comme l’esprit. La Nature est partout (split brain).



La Nature, entre ingénieur et artiste.

La Nature, un artiste ingénieux.

On peut donc dire qu’il existe bel et bien un Dieu créateur, qui n’est nul autre que ce qu’on appelle la Nature ; elle est intelligente, ne fait pas les chosechoses au hasard. C’est un ingénieur, elle a créé plein de systèmes minutieux.

Mais difficile de dire si d’un point de vue des standards humains, la Nature est un excellent ou un très mauvais développeur. Elle réutilise tout ce qui existe de manière un peu abusive, elle garde du vieux et construit du neuf par dessus (cf cerveaucerveau reptilien), elle en met un peu partout (toute fonction n’est pas bien encadrée, isolée dans une zone définie), bref on pourrait dire qu’elle « bricole ». Le résultat est donc très chaotique, très bancal. Mais en cela il s’agit d’un sacré tour de force, car tout est fonctionnel et stable en dépit des apparences.

De notre point de vue, ce sont des mauvais « choix » d’implémentations : pas assez fiables, fragiles, bancals, trop éparpillés (~ pas assez bien isolés). Mais de cette fragilité émerge tout un équilibre. L’ « instabilité » est donc quelque part, recherchée. Non seulement les nouvelles fonctions s’intègrent dans un écosystème déjà bien établi, mais en plus elles sont fragiles et étonnamment viables. C’est cela qui nous dépasse, la conception du défaut.



Il faut ajouter à cela que tout est une question de contraintes et de moyens, quand on est à la place de la Nature, on ne peut pas réécrire les bases, on ne peut pas se permettre des implémentations « propres ». Il faut donc faire preuve d’une incroyable optimisation et d’une incroyable créativité. On obtient un beau bordel, construit de la manière la plus géniale qui soit. Rien que de mixer organe sexuel et organe de libération de déchets, fallait le faire. Ou n’est-ce qu’un point de vue humain, biaisé par les émotions ?

Dans tous les cas c’est le genre de conception qui nous dépasse. Ne rien prévoir, laisser aller les chosechoses. C’est limite quelque chosechose de plus concevable par les artistes que par les ingénieurs.

 

 

Les merveilles de la création

Ce qui me fait dire que la Nature est « intelligente » et même « consciente », c’est ce qu’elle est capable de créer, à commencer par nous. Pour sûr, tout a du commencer avec l’adaptationadaptation et le principe classique d’évolution. Mais l’évolution – tout comme le hasard – est une explication très indirecte de la création. Il y a des principes intermédiaires qui se sont développés depuis, et se développent encore d’ailleurs. L’adaptationadaptation reste, mais je pense qu’elle est biaisée par d’autres principes « inventés » après elle. Des principes de « soutien » qui forment une intelligence plus sophistiquée. Avec le temps, l’adaptationadaptation a créé un système de conception abstraite. La nature est capable de développer et d’utiliser des stratégies.

Les buts de la nature, si l’on peut dire, c’est l’équilibre et le développement global. Et quelles stratégies ont été développées pour les réaliser ! Les systèmes de chaînes (chaîne alimentaire, chaîne de reproduction, chaîne de communication), les systèmes de développement (reproduction, encodage des propriétés dans un code génétique, maturation, etc), la perception existentielleperception existentielle (~ niveau humain), l’individualité, la morale, la curiosité… C’est très, très fort.

Le concept est simple : offrir une vie sensée à l’individu, d’un point de vue intérieur, mais qui servira l’équilibre global d’un point de vue extérieur. AbstractionAbstraction.

S’agit de changer les apparences à l’intérieur.

Each composant is his own personal intelligence.

Poules pondeuses.

La matrice, la vraie

Il n’est pas vraiment étonnant de retrouver des stratégies aujourd’hui utilisées par l’homme (cf mimétisme inconscientinconscient, chapitre 1) pour l’équilibre et le développement de ses propres systèmes. Prenons le cas de ce que j’appelle la perception existentielleperception existentielle. On peut voir le monde comme une entreprise, un gros « business » dans lequel chacun doit faire son boulot pour faire tourner l’affaire. De ce point de vue évolutif, le job principal n’est pas très motivant : survivre pour procréer. En outre, chaque employé est un rouage quasiment insignifiant quand on considère la globalité. Disons le franchement, un job comme ça présenté comme ça, c’est carrément déprimant. Et un employé déprimé ne peut pas bien travailler. Problème donc, comment s’assurer que chacun fasse sa part du boulot sans aucune directive et sans aucune institution pour gérer tout cela ? Solution : faire du travail un besoin en créant des agents qui voient les chosechoses d’une certaine manière, afin d’en faire des employés spécialisés et dévoués dès la naissance. Mieux encore pour le développement : faire des agents qui ont l’impression de faire ce qu’ils font pour leur propre bien et en aucune manière pour le bon équilibre du monde : en fait dans le business naturel, l’employé ne sait même pas qu’il est employé, il mène une vie « libre » et sensée dans une espèce d’illusion personnelle qu’il croit être la seule et unique réalité. De quoi assurer une bonne productivité !

La division du travail, la vraie

Et c’est ainsi que chacun des êtres vivants du monde n’est pas fait pour mener le même type d’existence. Les agents (~ individus) appartenant à un niveau existentiel particulier ont tous un système de « sens » adapté à ce niveau, un système taillé pour permettre la pérennité de la couche du monde correspondante. Ce système de « sens fonctionnel » consiste à transformer l’immense quantité d’informations du monde pour qu’elles soient « pratiques » par rapport aux rôles de l’agent : il faut s’assurer que certaines informations soit traitées par l’agent et dans une moindre mesure que d’autres ne le soient pas. Il s’agit de créer une perception centrée sur le composant (càd l’espèce à laquelle l’agent appartient) et non sur le système entier (càd le monde). Chaque être vivant a une vision très abstraite du monde, une vision centrée sur lui même : ses sens, ses besoins, etc. Un être humain ne perçoit pas le monde comme un escargot ou comme une mouche : chacun a son monde propre (cf concept d’Umwelt), seul et unique. Ces systèmes guident et cadrent l’existence en mettant une valence arbitraire sur les chosechoses (~ absence de raison) : telle chosechose est bonne, telle autre est mauvaise, c’est comme ça. Guidé et influencé depuis la base, l’individu se sent autonome et à sa place, ne se sent pas esclave de quoi que ce soit, mais fait quand même fonctionner le système global. Il ne se rend compte ni de son rôle ni de son cadre fonctionnel (car c’est le seul dont il fait l’expérience). Et aujourd’hui que fait l’homme dans sa propre exploitation (marketing, mode, télévision) ? Il fait en sorte que le consommateur contribue à son système sans qu’il ait l’impression de se faire léser (au contraire, cela lui fait du bien et il le fait donc de plein gré). On essaye de rendre les chosechoses « cool », de telle sorte à ce qu’on les veuille, et ainsi qu’elles se vendent toutes seules et non pas grâce à une force supplémentaire. Ces procédés font de nous de bons rouages, ce qui est ce à quoi les perceptions existentielles servent (et je ne dis pas que c’est mal d’utiliser ce genre de procédés ; au contraire, copier la nature est bien souvent une très bonne chosechose ; dommage que ce soient les rapiats qui le fassent le mieux).

Can somewhat imagine what it would be to be a bat or a snail. Guidé, influencé depuis la base, mais ne peut pas s’en rendre compte car c’est la seule dont il fait l’expérience.

Ce qui est remarquablement fort c’est que les agents naturels ne sont pourtant pas de simples rouages basiques et stupides ; ils peuvent au contraire être très sophistiqués et disposer d’une intelligence assez poussée (coucou, je crois qu’il parle de nous). La chosechose, c’est que cette intelligence est « filtrée », elle passe par une conscienceconscience. Un individu n’est pas juste intelligent « comme ça », mais intelligent pour servir à quelque chosechose. D’ailleurs, la force de l’idée du créationnisme (~ c’est Dieu qui a pensé et créé le monde) à travers l’humanité en dit long sur comment nous sommes faits, sur le type d’intelligence que la Nature nous a conférée ; créer des agents « rationnels », dotés d’une intelligence développée mais sans aucune idée sur les dessous du système, c’est une stratégie. Là encore l’homme en a pris de la graine avec la politique, et n’hésite pas à couvrir les apparences et cacher certaines chosechoses au public pour laisser à ce dernier sa vision des chosechoses.

« On n’est plus des bêtes nous, m’voyez » – L’homme dans tout ça

Ce qui est très fort également, c’est que même nous autres humains, avec nos capacités de prise de recul, nous sommes toujours « emprisonnés » dans une perception existentielleperception existentielle. On est peut être même les plus touchés par l’illusion étant donné qu’on peut la conceptualiser et que l’on s’en croit libéré. Certains aspects de notre conscienceconscience sont si développés et notre sentiment d’individualité si fort que justement, on ne songe même pas au fait que l’on puisse être autre chosechose que ce que l’on pense être. C’est bien commode. On fait tous partie du même système, de la même intelligence. L’individualité est un bon tour de passe passe. On joue notre propre rôle (et non celui que l’on pense s’être attribué). On pense qu’on peut faire ce qu’on veut, et que tout cela vient de notre propre intellect, de notre invention personnelle. C’est assez magique, on arrive à conceptualiser des concepts très globaux, comme les écosystèmes, mais on s’en croit totalement en dehors (« l’écosystème ? Ça concerne les plantes et les océans »). Notre perception est tellement centrée sur nous même que l’on pense disposer du libre arbitre, contrairement à tout le reste de l’existence. Les mouches ne s’occupent pas de mener à bien le recyclage, elles font les mouches. Et le président ne dirige pas le pays, il fait le président. Il n’y a pas de force individuelle, qui a elle toute seule s’occupe de rôles importants, ça c’est émergent. Personne en tant qu’individu ne contrôle vraiment ce qui se passe, mais chacun contribue à ce qui se passe.

Dans le même ordre d’idée, on pense disposer d’une pensée universelle et non d’une pensée humaine. En réalité on est bien incapable d’imaginer des chosechoses extravagantes et sensées à la fois. Dans toutes les fictions, on retrouve toutes les valeurs des hommes et de son passé ancestral. Avec du recul, c’est assez ridicule, cela donne l’impression que tout est du théâtre burlesque. On se met tellement à part, à la fois des animaux et des machines que cela devrait nous sauter aux yeux. Mais non, rien à faire. On est content quand on mange, la plupart de nos préoccupations tournent autour de chosechoses très anciennes et déjà présentes chez l’animal… mais on croit avoir transcendé notre nature primitive. Par exemple dans la plupart des films il y a de l’action et de la romance ; à savoir les vieilles valeurs de combat, de survie et de reproduction façonnées par l’évolution. Mais ça nous paraît juste différent (et même assez tordu de faire le parallèle). C’est juste de l’action et de la romance… point. Quand on a besoin d’une information sur un sujet précis, on ouvre le bon « tiroir » d’une base de données. Mais quand on fait appel à un spécialiste, ça n’a rien à voir. Le spécialiste n’a pas du tout l’impression d’être un tiroir de la base de données humaine, un nœud de connaissance, il y a trop d’enrobage pour qu’il s’en rende compte.

De la même manière, il ne nous viendrait pas à l’idée de comparer chaque scientifique cherchant un brin de vérité particulier à l’un des processus (thread) s’exécutant en parallèle de plusieurs autres sur un même super-calculateur. Pourtant de manière analogue, chaque découverte scientifique permet de faire avancer la science, comme chacun des calculs distribués permet à l’ordinateur de se rapprocher de la réponse du problème complexe qu’il doit résoudre.

Faire comme si… car on ne peut pas faire autrement

Si jamais un jour on arrive à créer une intelligence artificielle consciente (calquée sur celle de l’être humain), et que celle-ci, mal à l’aise à propos de sa condition nous questionne « Est-ce que mon identité, mes pensées ne sont que programmation ? » on pourrait lui répondre en dérision « T’inquiètes l’ami, on est probablement tous dans le même cas que toi. Mais vu qu’on ne peut pas faire la différence, on s’en fiche non ? »

Note : Même quand on prend du recul on est toujours sur le niveau humainle niveau humain. Quand on se dit que c’est déprimant de voir le monde sous l’angle de l’évolution, c’est probablement parce qu’on est humain. Si ça se trouve c’est bien (:D)

La sensation d’être unique alors que ce qui est unique c’est l’arrangement. Les valeurs qui nous forment ont assurément été présentes chez d’autres.

 

C’est déjà prendre un point de vue, mais à la base, le monde est pour moi un ensemble d’informations, froides, dénuées de sens. Sous-systèmes auto-générés.

 

Système d’abstractionabstraction centré sur l’individu qui contribue à l’équilibre global sans y faire référence.

 

Par nos différences (goûts, convictions, etc), on est des sujets des tests de la Nature

 

Place : un individu avec des caractéristiques particulières devrait pouvoir trouver sa place dans le système. (marché des rôles).

 

Inventer la curiosité, faut le faire. (les humains étudient le monde, écrient des symboles, etc).

Inventer le développement ! Enfant faible pas mature (qu’est-ce qu’on met en premier et en dernier), protection, etc.

 

AbstractionAbstraction : chaîne maillon-maillon (oiseaux peut se reproduire avec oiseaux-1 et oiseaux+1, dialectes connus sur trois cases, etc…)

 

La reproduction c’est assez balaise aussi, comme système de création relativement abstrait. Il est possible de croiser pas mal de chosechoses et ça marche. (races de chiens).

Maturation, développement et téléologie/téléonomie : nous n’avons pas les mêmes capacités étant enfant, et pourtant nous fonctionnons. Capacités de raisonnement des hommes = volonté de la Nature ?

 

 

Alors ça y est, Dieu est out ?

Téléonomie : les règles d’évolution basique comprennent l’équilibre, la dualité, etc. C’est ici que tout se joue pour la suite. Elles créent d’autres règles qui usent également de ces principes. Et par conséquent le monde reste équilibré.

Pour la culture, on parle de téléologie pour parler du fait que le système complexe et sensé a été créé (et pensé à l’avance) par une entité externe (~ Dieu) et de téléonomie lorsque le système complexe et sensé s’est créé de lui même à partir d’un état initial et de règles d’évolution. De fait, même dans le cas du système téléonomique on ne peut partir du néant ni même d’un simple amas de matière immuable : il faut toujours les idées du monde avant l’apparition du monde en lui même (aussi basique soit-il à son commencement). En outre, même les humains sont capables de comprendre en quoi un système téléonomique est plus intéressant qu’un système téléologique (notamment en termes de « puissance », de stabilité et de maintenance, cf chapitre 1, « Anecdotes techniques »)…, alors pourquoi un dieu tout-puissant – conscient de ces avantages – n’aurait-il pas choisi délibérément ce système de création ?

Ainsi, et comme je le faisais remarquer à la fin du chapitre précédent, le mystère de la « création » reste entier.

Quand l’élève devient maître

De là, on peut quand même imaginer tout un tas d’autres théories farfelues. La Nature initiale pourrait être une création de Dieu. Et Dieu pourrait tout simplement être une Nature très évoluée. Et donc on pourrait avoir une sorte de cyclecycle de déification : le Dieu d’un système est une création du Dieu d’un autre système.



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