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Soulever les paupières invisibles

Un essai sur la logique du monde et de l'esprit
SOMMAIRE

Soulever les paupières invisibles

Un essai sur la logique du monde et de l'esprit

Chapitre 7

Plaisir et modes de vie

Alimenté par le manque, le plaisir est le moteur caché de notre existence.

 

Ce chapitre a pour but de revenir sur nos modes de vies et sur la façon dont nous profitons de la vie, afin d’amener une réflexion sur la gestion du plaisir opérée par notre esprit (pas simplement sur le moment, mais aussi de manière globale, du plaisir de vivre).

 Le travail

Dans notre société le travail est une sorte de devoir. Mais même si on ne l’enseigne pas vraiment aux enfants, il est bien plus qu’un simple devoir, il est un véritable catalyseur pour l’esprit.

Mais revenons en à ses origines. Le mot travail vient du latin tripalium, un instrument de torture. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas très rassurant. Il faut dire qu’à première vue, le travail est quelque chosechose d’ennuyant et de contraignant, dont on aimerait bien se passer. Après tout, ne sommes nous pas bien plus à l’aise chez nous ou à faire la fête avec nos amis ?

Sans l’existence de la dualité et de la causalité, pourquoi pas. Mais comme nous l’avons vu, dans notre monde le mal crée le bien et donc le travail est rendu bénéfique : après l’effort, le réconfort. Sans effort ? Le réconfort n’existe pas.

Regardez dans votre entourage, les personnes qui travaillent paraissent-elles plus tristes que celles qui ne travaillent pas ? J’en doute.

Le travail créé des envies : après une dure journée de travail nous avons envie d’aller nous détendre chez nous ou ailleurs, puis ensuite d’aller dormir. Oh oui le « bon » lit bien moelleux, le même qui est sans saveur quand on ne s’est pas donné assez de « mal » pour se fatiguer. Après tout, dormir n’est qu’une obligation naturelle quand on n’a pas d’autres obligations. L’absence d’obligations crée des obligations…

Quel plaisir de savourer un « simple » verre de jus de fruits après un lourd travail physique !

Le travail permet de s’épanouir (encore faut-il qu’il soit un tant soit peu adapté à la personne, mais ça c’est un autre problème). Il crée la valeur. Il permet d’apprendre, d’innover, de se dépasser…

Jeux-vidéo, difficulté, effort et récompense

Petite parenthèse sur le jeu-vidéo (qui par abstractionabstraction s’applique à bien des domaines – le sport par exemple –)  ; est-il plus jouissif pour un joueur de :

– Finir un jeu en difficulté facile, sans échouer une seule fois, sans avoir besoin d’innover ou le simple « bourrage » de boutons permet de passer les phases les plus difficiles de l’aventure ?

– Finir un jeu en difficulté difficile, en échouant toutes les 10 minutes, mais en persévérant et en apprenant de ses erreurs, en progressant, en maîtrisant tous les aspects techniques du jeu ?

La première solution est certes moins prise de tête, mais bon sang quelle est l’essence du jeu ? Autant télécharger une sauvegarde complète du jeu et le revendre si c’est juste pour le terminer… La deuxième solution, qui peut parfois laisser place une grande frustration, permet d’apprécier le jeu dans toute sa splendeur et de le rendre mémorable. Bref, c’est le voyage qui compte, pas la destination

Le défi, le « challenge », c’est bon. Ce petit stress constant, et ces heures passées à recommencer une phase jusqu’à la réussite ne font qu’augmenter la récompense finale. Encore une fois il faut que le jeu soit de qualité et vous plaise, comme le travail.

Cela dit, s’il ne vous plaît pas et que vous êtes forcé d’y jouer, il vous permettra quand même de mieux apprécier d’autres chosechoses : le premier de la classe qui s’épanouit en cours, n’apprécie certainement pas autant les fins de journées que le cancre pour qui la fin des cours s’apparente à une libération ; après avoir « emmagasiné » du mal dans la journée, il pourra jouir du bien le soir. Se confronter au mal permet de mieux apprécier les bonnes chosechoses, tout simplement car ces bonnes chosechoses ne sont pas ce mal. (C’est l’effet de contre-balancement, cf fin du chapitre 19, les figures de la relativité, + équilibre – chapitre 4).

Non on ne vous a définitivement pas menti, le travail c’est la santé.

 

Le vrai plaisir c’est le désir ?

En sus du travail, le désir est un moteur fondamental de notre société. Tout le monde veut être riche, avoir une belle voiture, une grosse maison, etc. Certains rêvent même de gagner au loto. Admettons. Mais, une individu gagne au loto et après ? Que se passe-t-il ?

En fait, le loto procure plus de plaisir à ceux qui désirent gagner qu’à ceux qui ont effectivement gagné. L’illusion du plaisir d’être riche, l’illusion de pouvoir être heureux d’un coup et pour toujours : ça, ça procure du plaisir. C’est le fait que cette idée baigne dans l’esprit qui est bienfaisant pour la personne. « Devenir » peut être grisant. « Être » est… normal.

Car quand un désir est comblé, son plaisir associé ne met pas longtemps à disparaître, et un autre désir vient remplacer l’ancien. C’est cyclique. Par exemple on peut attendre avec impatience un événement spécial censé se produire dans un an, disons la sortie d’un film au cinéma. Un an plus tard, ce fameux film sort, on va le voir, et une fois le film terminé… hop suivant, on va en attendre un autre ! C’est comme ça que ça marche : l’éternelle insatisfaction.

C’est un peu comme l’anecdote du bon bain chaud qui devient sans effet sur la durée, évoquée dans le chapitre 4.

Ainsi donc le fait de gagner au loto brise l’illusion : sur le coup on est heureux, mais plus le temps passe (et Dieu sait qu’il passe vite), plus le plaisir s’estompe, puisque le désir d’être riche est comblé. Il faudra se fixer de nouveaux objectifs, de nouveaux désirs.

C’est pour cela que gagner au loto peut être dangereux. Les personnes ne sont pas vraiment préparées à avoir tout cet argent. Elles finissent par se rendre compte que cela ne change finalement pas grand chosechose, mais sont devenues incapables de se fixer un nouvel objectif car cela représentait le summum pour eux. Leur système logique est brisé.

Ce qui amène une nouvelle question… les « rêves » sont-ils faits pour être réalisés ? Par rêve j’entends ici, un objectif idéal qui paraît hors de portée (~ gagner au loto) mais que nous gardons dans notre cœur (et non pas les rêves bizarres que nous faisons quand nous dormons, sur lesquels je m’attarderais dans l’acte III).

A priori, comme nous l’avons vu avec l’exemple du loto, la réponse est non. Les rêves sont les moteurs de notre existence, sans eux pourquoi vivre ? Ils nous aident à vivre avec espoir et nous donnent envie d’avancer.

Sans objectif, et donc sans motivation, l’être humain vit au mieux dans la monotonie. À long terme, ce n’est pas l’idéal pour s’épanouir.

Pour autant, n’est-il pas mauvais de languir devant un rêve sans jamais le réaliser ? Dans l’absolu je ne pense pas, mais en pratique tout comme le corps vieilli avec le temps, nous devons lentement mais sûrement finir par perdre espoir et vaciller.

En fait on peut faire l’analogie avec la préparation d’une pâtisserie au four. Si on veut le résultat optimal, il faut laisser chauffer pour faire monter, mais pas trop sous peine de tout gâcher. Encore une fois, tout est dans la mesure.

Mais quoi qu’il en soit, si nous voulons réaliser un rêve, l’idéal est quand même d’en avoir un autre sous le coude. Je pense qu’un rêve non réalisé est un ingrédient essentiel de la recette du vrai bonheur.

 

Cela dit pour l’effet du loto, comme nous l’avons vu dans le chapitre 2, tout est relatif. Quand on connaît la « vie dure », c’est à dire lorsque ce fameux travail évoqué quelque pages plus haut est actif, on apprécie bien plus d’être riche. Mais comme avec le temps on oublie cette « dure vie », on finit aussi par se faire rattraper par la relativité. C’est pour cela que le système de vacances courtes est bien mieux pensé que « les vacances à vie ». On profite suffisamment de la décharge engendrée par le travail au cours de l’année sans pour autant abuser en dépassant la dose qui nous revient de droit. On ne traite pas une vache 10 fois par jour en espérant récupérer une grosse quantité de lait à chaque fois. Il faut se mettre en phase avec les cyclecycles. Tout comme ce que la Nature a fait avec la conscienceconscience, mettre des limites permet de créer une dynamique de vie intéressante. Il faut savoir s’arrêter pour son propre bien ; on évite ainsi de mettre à mal son système logique en maintenant un certain équilibre.

En somme, c’est du désir que découle le plaisir. Et la cause du désir c’est le manque. De ce fait, si nous avons tout et que nous ne manquons de rien, alors nous pouvons dire adieu au plaisir. S’il est permis de douter de l’efficacité de la justice de nos sociétés, il n’y a pas à s’inquiéter quant à celle de la justice des mécanismes naturels, décidément implacable.

 

Le plaisir

Un sous chapitre écrit sur un ton assez léger ayant pour but d’amener une explication des mécaniques du plaisir, qui directement ou indirectement, est un moteur central de nos existences.

 

L’origine du plaisir

S’il y a bien un truc dont il me semble intéressant d’apprendre à optimiser, c’est bien le plaisir. Ainsi quand j’étais adolescent, je me posais beaucoup de questions quant au fonctionnement du plaisir. À cette époque, lorsque j’appréciais quelque chosechose, que ce soit un plat, une série, un livre, un jeu ou même un travail, je laissais ma nature s’exprimer sans aucune retenue : je fonçais et je dévorais. En ce sens, j’avais du mal à comprendre les personnes qui font délibérément durer le plaisir, j’avais du mal à voir l’intérêt de se freiner dans sa course.

Prenons l’exemple du plaisir de manger. Conformément à ma nature (~ abstractionabstraction), je suis un gros mangeur et il s’avère que je mangeais très vite. Trop vite selon mon entourage. Pour eux, je n’avais pas le temps d’apprécier. Mais moi de mon côté, je n’avais pas l’impression de manger si vite que ça, et je ne voyais pas pourquoi je me forcerais à patienter alors que j’appréciais très bien à mon rythme. Justement, le fait de manger vite était bien la preuve que j’appréciais, et que si eux arrivaient à se retenir, le signe qu’ils se forçaient d’arrêter ou alors plus simplement que le plat ne leur plaisait pas tant que ça (du moins pas autant qu’à moi).

Et puis au final, pourquoi repousser l’inévitable ? Le repas, j’allais le manger, alors que ce soit en 5 ou en 10 minutes, qu’est-ce que cela y changerait au bout du compte ? Chimiquement parlant, un bon plat mangé en 5 minutes contient-il moins de « plaisir » qu’un même repas dégusté en 10 minutes ? En l’espace de quelques minutes le plat se transformerait ?

En tournant les chosechoses ainsi, on se force à se questionner sur l’origine réelle du plaisir. Était-ce bien le repas qui contenait le plaisir ? En fait, certainement pas. En y réfléchissant un peu, il me semblait plus vraisemblable que le plaisir n’était pas dans le repas que je mangeais ou le film que je regardais, mais qu’il était en moi. Le repas permettait plutôt d’activer la sécrétion de plaisir, une sorte de déclencheur chimique (en vertu de ses composantes). Ainsi donc si je prenais le temps de le savourer, je laisserais ouverte la sécrétion de plaisir plus longtemps ? Oui, cela me semblait évident, mais tout autant que l’intensité y serait inférieure. On en revient toujours au même phénomène de relativité et d’équilibre (cf chapitres 2, 3 et 4) : plus on tire sur un élastique court et large, plus il devient long et mince ; il en est de même pour « le flux de plaisir » qui sera manifestement réduit par effet d’élasticité. Si ce n’était pas le cas, je me disais qu’on pourrait autant passer sa vie à manger un seul repas en « slow-motion ».

En somme, la quantité de plaisir libérée une fois l’intégralité du repas mâché et avalé me semblait être équivalente dans tous les cas (ou tout du moins la différence semblait négligeable). Quelque part, ce serait donc plutôt ceux qui « savourent » qui perdent en intensité, au profit de la durée. Je retrouvais par abstractionabstraction, le fameux débat intensité contre durée. Les blagues/séries/mangas à rallonge contre les blagues/séries/mangas courts et intenses ? De mon point de vue, cela expliquait pourquoi « j’avalais » mes repas…

[TODO J’aime cette « violence » dans le rythme, c’est excitant]

 

Appréciation, plaisir et contrôle

Pour la durée j’avais compris, c’était une histoire de préférence. Mais et pour ce qui est de la quantité ? Qu’est-ce qui expliquait qu’un individu puisse délibérément s’arrêter alors même qu’il trouve le repas excellent et qu’il n’a pas fini le plat ? Bien sûr il y a le cas où l’individu n’a tout simplement plus faim, son ventre est plein, inutile d’en rajouter, il reprendra quand il se sera vidé (cyclecycle). C’est une saturation d’ordre physique qui se manifeste alors. D’ailleurs si un individu dans cet état se force à continuer, la sécrétion négative (douleur, ballonnement, stress, « le corps dit stop ») prendra vite le dessus sur la sécrétion positive, sur le plaisir du goût (réaction adaptative de dualité).

Si en revanche, l’individu s’arrêtait de manger alors que son estomac n’était pas plein, je persistais à penser que le repas ne lui plaisait pas tant que ça (que c’était chimique et absolu). Dans ce cas il y avait un contrôle logique qui s’exprimait, et qui faisait l’individu s’arrêter ; or le fait que ce contrôle puisse s’exprimer et prendre le dessus sur l’appréciation, était pour moi signe d’une appréciation faible, ou tout du moins inférieure au contrôle. Mais des situations opposées à celle-ci mettent à mal cette façon de voir les chosechoses : si un individu déteste un plat (appréciation faible voire inexistante, contrôle logique inhibiteur fort) on penserait qu’il ne pourrait manger délibérément de ce plat, et encore moins l’apprécier. Mais si cet individu se retrouve affamé (état physique en sévère manque) sur une île déserte avec seulement ce plat à disposition, celui-ci finira par bien passer et même lui procurer du plaisir ; en fait cet individu ne détestait pas tant que ça ce plat en lui-même. En outre, après cette première expérience, son contrôle logique inhibiteur envers ce plat sera beaucoup moins fort. (Cf l’adaptationadaptation et la relativité). L’esprit semble jouer un rôle très important et flexible dans la régulation du plaisir. Il me semblait alors envisageable qu’un individu puisse bénéficier d’un fort contrôle inhibiteur sur ses pulsions, sur sa faim, sans pourtant autant que son appréciation soit affaiblie.

Je n’en voyais toujours pas l’intérêt concret (de se freiner), mais ainsi, plus j’y réfléchissais, plus cette histoire de faim et de perception absolue devenait dérangeante. Notamment parce que l’exemple de l’affamé insinuait une adaptationadaptation, mais également car il est possible d’avoir une image déformée de la réalité dans une situation plus « normale », par exemple à travers ce qu’on appelle l’écœurement. En effet, un individu a beau adorer un plat, il peut facilement s’en lasser voire s’en écœurer s’il en mange trop souvent. D’où l’intérêt de varier les « plaisirs » justement. Mais même si cet individu revient d’une île déserte sur laquelle il a échoué et gambergé pendant deux ans, le fait de s’empiffrer de son plat favori au delà (voire bien au delà) de sa faim, risque fortement de l’écœurer. Ce principe de faim, ou plutôt de satiété, ne s’applique bien évidemment pas qu’à la restauration. C’est en ayant pris conscienceconscience de tout cela de manière posée que j’ai commencé à comprendre que tout est dans la mesure, qu’il faut bien doser. Dans le cas général (pour un humain j’entends) 1/16 de steak paraît une mauvaise dose, tout comme 16 steaks entiers d’ailleurs. Enfin je m’éloigne un peu de l’idée de base, revenons en à l’action délibérée de faire durer le plaisir…

 

Ça traîne et ça fuse

De manière générale, les chosechoses que nous laissons traîner (un compte-rendu à rendre dans 3 mois qui sera fait « à l’arrache » le dernier soir, un repas peu ragoûtant chez des invités, les corvées ménagères qui s’entassent) ne sont pas des chosechoses que nous apprécions.

En revanche, les chosechoses que nous « dévorons » (un bouquin de 500 pages bouclé en 3 jours, une série TV de 4 saisons visionnée en 1 semaine, un jeu-vidéo de type RPG de 60h « cramé » en un week-end, etc) sont des chosechoses que nous apprécions beaucoup.

Néanmoins le contrôle de l’esprit entre aussi dans l’équation et joue notamment un rôle très important quant à cette approche du « rythme ».

Mais faut il faire durer le plaisir ou au contraire foncer pour un maximum d’intensité ? Le tout est de ne pas se précipiter et de profiter au maximum. Ainsi, il n’y a aucun mal à manger comme un morfal du moment que l’on mâche et que l’on n’avale pas directement et surtout que cela nous convient. Il n’y a aucun mal à mettre 3 heures à manger (ou plutôt lécher à ce niveau…) son « carambar » du moment qu’on ne se le fait pas piquer à cause d’avoir trop attendu. Chacun son rythme, il faut trouver celui qui nous est adapté (c’est souvent intuitif).

Il en est de même pour les chosechoses déplaisantes : un repas qui vous écœure chez des invités, que faire ? Manger tout d’un coup pour en finir ? Manger haricot par haricot pour ne pas trop souffrir ? Là encore il faut s’adapter. Ne pas avaler tout trop vite pour finir par vomir après, ne pas non plus faire le masochiste et mettre trop longtemps, il faut abréger votre souffrance. Enfin le mieux c’est quand même d’avoir des amis qui cuisinent bien, ou alors de beugler : « MAIS C’EST DÉGUEULASSE ! », mais bon ce n’est pas vraiment la question ici. Il semble y avoir un équilibre entre les deux façons de faire.

Par la suite, j’ai toutefois appris qu’avec le temps, nous avons tendance à nous perdre dans la gestion de notre rythme, que nous finissons vite par ne plus savoir apprécier correctement les chosechoses. Banalisation, précipitation, gloutonnerie (dosages trop gros et pas assez espacés), etc. C’est là qu’apprendre à faire durer le plaisir devient intéressant (et intelligent) : cela permet de retrouver de l’intérêt pour les chosechoses et d’optimiser la perception et la régulation du plaisir (par rapport à nos besoins physiques, à la mémoire, aux cyclecycles, etc) sur le long terme. J’ai déjà abordé cet aspect dans les chapitres précédents et j’y reviendrais plus encore dans les suivants, mais pour le moment poursuivons sur l’aspect « interne » du plaisir.

 

Le plaisir d’un point de vue technique

Le plaisir ne se trouve donc pas dans les chosechoses, mais en nous.

Un bon plat ne contient pas de plaisir, il le déclenche. En effet, les papilles gustatives de votre langue réagissent plus ou moins positivement au contact de ce plat. Si le résultat est positif, alors votre organisme sécrétera une certaine quantité de plaisir en fonction de l’intensité du résultat. C’est un mécanisme chimique.

Pour faire l’analogie, disons que le plat est une sorte de levier qui permet d’ouvrir la sécrétion de plaisir, un levier qui ouvre une vanne. Et cela vaut pour toutes les chosechoses sensibles. Pour les films et autres jeux-vidéo, ce ne sont pas les papilles les récepteurs mais les yeux et les oreilles. Ces films et jeux n’envoient en fait qu’un flux de données très basiques que nos organes captent, et qu’ensuite une partie du cerveaucerveau interprète (cortex visuel pour les images, puis d’autres parties pour le « sens »).

Les yeux par exemple ne voient aucune image. Ils sont remplis de capteurs, chacun « récupérant » un point. Toutes les informations (luminosité, couleur) sont converties en message nerveux et transmises au cerveaucerveau à travers le nerf optique. Avec ces informations, l’esprit peut entamer des traitements très complexes qui permettent de créer l’image : reconnaissance des formes par confrontation avec les images contenues dans la mémoire visuelle, détermination de la distance, création du relief par fusion des images de chaque œil, analyse des mouvements et des positions dans l’espace, etc. Lorsqu’on se rend compte de la complexité de ce genre de traitements en terme de calcul et qu’à côté de ça on constate que nous avons du mal à faire de simples additions, force est de constater que notre conscienceconscience à un accès limité à des ressources dépassant toute raison. Le cerveaucerveau est vraiment une « machine de guerre », un super-ordinateur, mais conçu pour des tâches très spécifiques.

Après avoir obtenu toutes les données qu’il lui fallait (images, son), l’esprit à travers une autre partie du cerveaucerveau va analyser si les valeurs « interprétées » correspondent aux valeurs de vos goûts associés. En fonction de la concordance, plus ou moins de plaisir sera secrété. Entre temps l’esprit a effectué beaucoup de conversions en passant pas les diverses couches logiques évoquées dans l’introduction de cet essai. Il interprète notamment les émotions en termes de valeurs.

 

Du coup, un film ou un jeu que je n’aime pas aura beau m’envoyer plein de données, si la plupart des valeurs interprétées ne concordent pas avec celles de mes goûts, la réaction chimique n’aura pas lieu. Pire, ces valeurs pourraient entraîner la sécrétion d’une autre substance, engendrant la frustration et le mal être (~ stress). Au contraire, une chosechose qui me plaît à fond va permettre de lâcher une bonne dose de plaisir. C’est d’ailleurs cela qui définit si l’on aime ou si l’on aime pas, l’effet de la réaction. En ce sens, une femme et un homme qui s’aiment se permettent mutuellement de libérer l’amour qu’ils ont en eux.

Rupture de stock

J’en viens maintenant au fait que le plaisir est disponible dans la limite des stocks disponibles. La quantité est limitée, même si elle se régénère avec le temps en accord avec le système de cyclecycles simples (dualité). C’est en partie de là que découle la lassitudelassitude en fait, l’état « blasé ». Les valeurs reçues par quelque chosechose que l’on trouvait « bon » n’ont pas changées mais étant donné qu’il n’y a plus rien à sécréter, le plaisir disparaît petit à petit. On peut aussi tenter de faire autre chosechose (regarder un autre film si on en regardait un qui ne faisait plus d’effet), c’est à dire passer sur un autre cyclecycle, un cyclecycle reposé. On peut dire qu’il y a des doses allouées à des plages de valeurs. Nous pouvons donc être dans un état on nous n’avons plus rien à sécréter pour les jeux-vidéo, mais encore pas mal de ressources pour « la bouffe » et le sport par exemple.

 

C’est en partie pour cela également que comme évoqué plus haut, le désir peut devenir le vrai plaisir. Parfois nous attendons tellement quelque chosechose, qu’une fois le Saint-Graal tant désiré obtenu, nous sommes déçus du plaisir reçu (« Tout ça pour ça ? »). Le plaisir n’étant pas tant dans la chosechose mais en nous, cela devient déjà plus compréhensible. (Dans l’exemple du chapitre précédent, en gagnant au loto l’individu a effectivement fait exploser son compte en banque, mais il n’a pas fait exploser sa production de plaisir pour autant. Celle-ci est toujours gérée de manière naturelle, c’est à dire en s’adaptant à l’effort, aux besoins, aux privations, aux apports, aux surprises, etc, c’est la façon dont on vit qui est la plus déterminante).

Le plaisir étant déjà en nous, nous n’avons pas réellement besoin des chosechoses désirées pour l’avoir. Et c’est ainsi qu’on peut obtenir plus de plaisir avant l’expérience, dans la période d’attente, que pendant et après la fameuse expérience. Car si on regarde bien, pendant toute la période de désir la sécrétion de plaisir a été ouverte occasionnellement grâce à l’imagination de l’esprit, qui a conçu des « croyances » et à l’engouement (« j’en salive d’avance ») qui ont leurs propres cyclecycles et donc leurs propres doses réservées. Cette manifestation purement logique et mentale de la chosechose désirée active en fait les mêmes mécanismes cérébraux que l’expérience réelle de la chosechose. C’est pour cela qu’on peut saliver en pensant à un bon plat, ou encore avoir une érection, une poussée de chaleur en pensant au sexe.

Sexe, plaisir et procréation

Il doit quand même être le mécanisme le plus connu au sujet des êtres vivants !

Sexe : je n’arriverais jamais à m’y faire, trop ridicule. En tant que tout c’est crédible, une interaction intime entre deux êtres. Mais cette fixation sur le bâton glisse dans le trou quoi, juste non.

Et d’ailleurs, pour en revenir au principe de simple mécanisme, et puisque je parlais de levier tout à l’heure, parlons en du sexe. Tout le monde sait comment ça marche, même si – heureusement – on ne pense pas directement à le voir comme un simple mécanisme (quoi que parfois, on peut se demander…).

Pourtant, physiquement, quand on regarde ce qui se passe, on peut réduire cela à un simple frottement des organes génitaux. Un mécanisme des plus basiques, et qui pourtant entraîne une quantité de plaisir assez monstre. L’évolution n’a rien trouvé de plus simple qu’un bâton qui glisse dans un trou ! Plus ça glisse vite, plus ça sécrète. Sous ses airs de vaste blague, cette simplification est probablement « voulue ». La procréation est ainsi rendue accessible au premier venu : elle ne requiert pas un long apprentissage, et encore moins de bonnes capacités de raisonnement.

Personnellement à chaque fois que j’y réfléchis cela me fait penser à une histoire drôle ; dans cette histoire, l’entité (qui que ce soit, Dieu, des aliens, le hasard, José Long, Derrick ou même Chuck Norris, peu importe) qui a conçu « le monde » voulait que les êtres se reproduisent eux mêmes, en auto-suffisance, afin de perdurer dans le temps. Pour cela il fallait qu’un groupe se réunit et initie une sorte de rituel calme dans lequel chaque être se synchronise avec les autres. Le problème c’est que le créateur a dû remarquer lors de ses tests (phases de beta du monde, version 0.96) que cons que nous sommes, nous finissions toujours par nous « foutre sur la gueule », nous ne comprenions rien et nous ne voulions surtout pas nous reproduire. Alors comme il était à la bourre par rapport à la date de sortie prévue (ou qu’il n’avait pas envie de retravailler les bases de son projet) et qu’il était un peu en colère contre nous, il a bidouillé un peu les systèmes urinaires pour ajouter une fonction copulation, un truc tout bête afin que même les moins dégourdis puissent s’y mettre. Après tout c’est en accord avec la dualité, le plaisir et l’excrément au sein du même système ! Et comme il se doutait que nous n’y verrions toujours aucun intérêt, il a repris son concept de plaisir et a fait en sorte que l’activation de ce mécanisme en déverse à plein pot. Et ça marche puisque nous sommes là ! À côté de ça, ce système permet également le détournement pour passer en manuel, histoire de ne pas blinder la planète en quelques siècles. Et voilà comment à cause d’un bidouillage à l’arrache nous en arrivons à nous soulager sur le trône ! Ah ça oui, la nature est bien faite…

Bref blague à part, on en revient toujours à la même affaire de mécanisme : réception des signaux (frottements) => sécrétion de plaisir. Et pour démontrer que la quantité est limitée, essayer de vous astiquer les parties pendant des heures, vous verrez. Le signal est pourtant le même, mais comme tout aura été envoyé d’un coup, au bout d’un moment et ce malgré une exécution parfaite digne des plus grands, vous vous ferez plus mal qu’autre chosechose.

 

Les classiques

Étant donné que nous sommes tous à peu près constitués de la même manière, certains signaux, certaines valeurs sont efficaces dans la globalité. C’est pour cela que l’on trouve des produits phares, les inépuisables que l’on peut ressortir à l’infini et toujours faire un carton : le chocolat, le Coca-Cola, Mac Donald, Call of Duty, les Experts… Et le sexe évidemment, dont on a déjà fait le tour un peu plus haut. Ce n’est pas la peine d’être un technicien expert en rétro-ingénierie (reverse engineering) pour trouver les bonnes valeurs, les bons filons.

Je m’arrête là pour le moment au niveau de la gestion du plaisir, mais j’y reviendrais avec une approche plus sérieuse et surtout plus technique en fin d’acte III, lorsque nous aurons élucidé d’autres mécanismes importants qui entrent en jeu dans ce phénomène.

 

Plaisir logique

Ainsi donc, le plaisir serait en nous et se « déclencherait » par activation de mécanismes. Ceci pris en considération, le plaisir libéré par l’expérience de chosechoses immatérielles et sophistiquées apparaît assez troublant. En effet, il est compréhensible qu’un steak ait bon goût en vertu de critères définis par l’évolution (cf chapitre 5), mais qu’en est-il des idées bien éloignées de notre nature animale ? Qu’est-ce qui fait que lorsque je lis une chosechose que je trouve intéressante et fascinante je la trouve intéressante et fascinante ? Comment mon esprit peut-il juger de cela ? Car il faut bien qu’à un moment donné il use de références, de critères permettant d’apprécier les qualités de cette chosechose immatérielle et sophistiquée.

De la même manière, notre organisme use du plaisir pour nous « récompenser » d’un effort accompli, et ce système de récompense semble très relatif. Par exemple, quand je réfléchis et que je trouve une idée lumineuse (de mon point de vue), je suis heureux. Mais comment mon inconscientinconscient sait-il qu’il faut me remercier par rapport à cette idée, s’il ne la connaissait pas avant ? C’est tout comme s’il attendait que je découvre enfin cette chosechose pour me donner la récompense prévue ! Sans compter que les critères semblent sans cesse évoluer : ce qui me fait plaisir maintenant ne m’aurait pas forcément plu il y dix ans, et il me semble évident que les idées que je découvre et qui me plaisent ne sont certainement pas des chosechoses qui feraient plaisir à d’autres. C’est une preuve, s’il en est, que les critères ne sont pas immuables et totalement définis dans notre code génétique. Et ainsi, encore une fois, un phénomène d’adaptationadaptation est impliqué.

Je pense fortement que notre appréciation est basée sur l’abstractionabstraction et l’adaptationadaptation, et qu’à la naissance, nous disposons de critères fondamentaux portant sur des valeurs véhiculées à travers les chosechoses de ce monde. Critères qui seront ensuite amenés à évoluer pour se complexifier et se spécialiser, pour finalement former un référentiel. J’élaborerais davantage cet aspect dans les chapitres 10 et 19, notamment. Pour ce qui est des valeurs sous-jacentes, elles seront abordées dans les chapitres suivants (et notamment le chapitre 9).

 

Des inconscientinconscients guidés par la beauté

Dans toute activité créative, on calibre sa perception, on cherche l’inspiration, on essaye des chosechoses. Mais comment sait on que l’on tient quelque chosechose ? Comment sait on que ce que l’on vient de capturer est bon ou mieux que ce que l’on avait ? La réponse est simple : on le sent. Que ce soit un plat, un mouvement de kung fu, un algorithme, une envolée lyrique, … quand on le fait bien, cela génère une sensation positive : c’est bon, c’est beau.

De la même manière, il nous est possible de juger de la qualité d’une chosechose appartenant à un domaine pour lequel nous n’avons n’avons ni connaissance ni expérience ; ce sur la simple base de ce sentiment de beauté que la perception de cette chosechose nous évoque. Mais d’où vient ce sentiment de beauté ?

Il vient de notre connexion avec le monde. En effet, la façon très lente et progressive dont nous avons été conçu, dont nous avons été écrit (cf évolution, chapitre 5 et 6) fait que nous sommes profondément connectés avec le monde et sa logique. Nous ne sommes pas vraiment des individus aléatoires déambulant dans un monde aléatoire, mais plutôt des composants enracinés depuis la base dans un monde spécifique. Nous faisons partie de ce monde. Nous sommes autant humains que nous sommes cellules, nous sommes autant cellules que nous sommes atomes, autant atomes que nous sommes énergies. Et donc d’une certaine manière, toutes les lois, toutes les règles fonctionnelles, toutes les vérités du monde sont écrites en nous. Alors d’où vient la beauté ? D’une espèce de concordance entre ce que l’on perçoit avec cette logique écrite en nous, d’une concordance avec l’univers.

Et donc qu’est-ce que la beauté ? Une forme de connaissance fondamentale sur le monde. Une forme de connaissance nécessaire permettant à des individus nés ignorants (tels que nous) d’appréhender le monde de manière intuitive et de se construire sur cette base. Quelque chosechose qui fonctionne est bien souvent quelque chosechose qui est beau. Ou l’inverse plutôt. Ce qui est élégant est bien souvent performant.

La beauté est partout. La beauté est en nous. La beauté nous guide. La beauté nous rend meilleurs. Yeah. Mais hélas, la beauté peut nous aveugler.

 

« Cette pomme a l’air délicieuse » – La beauté nous aveugle

Le problème d’un système tel que la beauté, à savoir un système éveillant les sens et l’attention de l’individu quand il se retrouve face à une chosechose bien faite, c’est qu’il peut être abusé et manipulé.

En effet, la plupart des chosechoses du monde sont complexes, elles sont composites (cf chapitre 1). De manière grossière et abstraite, on peut dire qu’elles ont un cœur et une surface. Le cœur d’une chosechose peut être beau mais enfoui sous une surface laide. Et inversement la belle surface d’une chosechose peut masquer un cœur pourri. Toutes les beautés ne sont pas accessibles de manière équivalente et il est hélas tout à fait commun de se faire aveugler par la beauté superficielle des chosechoses (d’où l’intérêt de comprendre le fonctionnement des chosechoses pour soulever ces paupières invisibles qui façonnent notre perception).

Pour se représenter le monde de manière simple et efficace, notre cognition intègre les composants sous forme unitaire (cf chapitre 1 et acte III). C’est à dire que tous les éléments liés à une chosechose particulière vont se retrouver intégrés de sorte à créer une unité mentale. Quand on pense à une personne, on pense à une unité et pourtant cette unité est façonnée par une quantité de chosechoses et d’expériences différentes, parfaitement intégrées. De la même manière, quand on pense à un produit, on pense implicitement à tout ce qui est associé, ce qui comprend l’image de marque de ce produit, sa campagne publicitaire, etc.

Brosser dans le sens de la beauté

Là où je veux en venir c’est que de par ce principe d’intégration, il devient facile d’embellir les chosechoses et ainsi détourner le système de beauté pour éveiller les esprits et arriver à ses fins.

Que ce soit dans les discours, dans les publicités, dans les produits mêmes (restauration, films, jeux <3) on enrobe les chosechoses de beauté superficielle. On use de la beauté pour vendre du creux, pour duper, pour mentir, pour empoisonner. Satisfaits par la beauté superficielle, on ne cherche plus à accéder à la beauté profonde.

Dupé de la sorte, ce guide naturel qu’est la beauté devient notre ennemi, il nous rabaisse au lieu de nous élever. Ce radar si faillible est-il donc bon à jeter ? Bien sûr que non. Comme tout autre outil, il se doit d’être utilisé avec discernement, voilà tout. La beauté, telle une arme tranchante et difficile à manier, est dangereuse ; elle est faite pour aider, mais en l’utilisant sans faire attention – a fortiori dans un lieu miné de pièges – on risque fort de se blesser avec.

Beauté, où es-tu ?

Utiliser à bon escient. Une épée est à même de trancher vos ennemis comme vos amis, l’important est donc de l’utiliser avec discernement.

Avec la beauté, les « consignes » de bon usage sont plutôt simples. Si on peut se méprendre quand les chosechoses sont traitées de manière intégrée, alors il faut les « désintégrer » pour les juger. Si une chosechose est manifestement belle, il vaut mieux rester sur ses gardes et l’analyser de plus près pour saisir ce qu’elle renferme (ou ce qu’elle ne renferme pas) et voir si elle est toujours aussi belle de l’intérieur. La beauté facile d’accès et tentante est la beauté la plus à même d’être un piège. En revanche, si une chosechose ne renvoie directement aucune beauté, alors il peut être bon de fouiller pour essayer d’en débusquer. La beauté qui se cache et qui demande des efforts est souvent la plus belle et la plus pure.

Bref pour résumer, il faut faire attention à la beauté qui vient à nous et il faut courir après celle qui nous échappe. Facile non ?

 

Pourquoi jouer est-il amusant ?

Le jeu-vidéo est pour moi un support extrêmement intéressant pour étudier la relativité et le plaisir (notamment car il propose une expérience qui, d’un point de vue objectif, reste la même dans le temps). Pourquoi jouer (le jeu-vidéo) est-il amusant ?

😀

🙂

😐 (robot)

🙁

T_T

Au bas niveaubas niveau, le jeu-vidéo est comme un travail car il repose sur des schémas d’actions à effectuer et à répéter. Seulement, ces actions stimulent l’organisme d’une manière particulière, qui déclenche/libère le plaisir. Et cela, parce que sur le haut niveauhaut niveau ces actions sont symboliques, tout comme le contexte et les situations présentées par le jeu.

Quand les actions d’un jeu ne stimulent pas l’organisme de cette manière (c’est-à-dire quand elles ne sont pas plus agréable qu’autre chosechose), le jeu peut devenir une corvée (« Il faut que je finisse ce jeu »).

Ce qui peut arriver dès le début si un jeu ne convient pas, ou avec le temps s’il n’évolue pas. En effet, le processus de relativité nous pousse à progresser en banalisant nos acquis, de telle sorte à ce qu’on veuille toujours plus. Petit à petit, les schémas d’actions du jeu sont procéduralisés (ils demandent de moins en moins d’effort conscient) et la perception devient abstraite (on voit de moins en moins de chosechoses si ce n’est les schémas). Le jeu devient alors prévisible et on ne joue plus vraiment, on laisse les procédures s’exprimer (:|).

Ainsi sur un plan purement physique, le jeu n’est pas différent d’un travail. On a donc tout intérêt à ne pas faire que jouer, pour donner des critères à notre esprit pour qu’il distingue bien ce qu’est un jeu de ce qui ne l’est pas. Autrement la séparation se fera à l’intérieur du domaine du jeu.

Une meilleure solution serait peut être de ne pas jouer du tout, comme ça c’est le travail qui pourra être perçu comme un jeu. Car en jouant à des jeux, on a moins de chance de s’amuser au travail, comme je le développerais dans les chapitres suivants (~ BEVBEV, relativité, dualité). Je veux dire par là que si on s’est déjà bien amusé à jouer sur un vrai jeu, il devient moins probable qu’on soit en mesure de s’amuser sur son travail. De ce point de vue, le jeu serait donc une sorte de gâchis de ressources. Peut être qu’un exemple sous une autre perspective sera plus clair ; imaginons que l’on rencontre une personne doté d’un pouvoir permettant de déclencher un sentiment de bien être au touché. On pourrait se dire j’adore ça, cela embaume ma vie, j’en veux encore, je veux vivre avec cette personne. Mais en fait, à la manière d’une drogue dure, cette personne ruinerait notre vie car le bien être ne viendrait pas d’elle (c’est-à-dire de l’extérieur) mais de nous (c’est-à-dire de l’intérieur) : la personne ne nous donnerait rien, elle nous viderait. Et il n’y aurait alors plus que ça qui finirait par compter, au détriment de tout ce qu’on pourrait faire d’autre.

Gâcher des ressources avec la drogue, avec la bouffe, avec les sensations en général.

M’enfin n’oublions pas les cyclecycles : un jeu peut tout à fait être complémentaire d’un travail.

 

« Ils ne savent pas qu’ils sont malheureux »

Pour créer le plaisir et l’« addiction » – et même si les développeurs conçoivent principalement cet aspect implicitement (par inductioninduction) – les jeux-vidéo essayent de stimuler les critères d’appréciation façonnés par l’évolution (cf chapitre 5 et 6). De manière générale, on peut passer des heures et des heures à jouer, beaucoup plus facilement qu’à travailler. Et si au lieu de tailler les chosechoses à la perception, on taillait la perception aux chosechoses ? Cela permettrait de concentrer nos forces là où elles sont utiles.

À l’heure actuelle, on essaie déjà de trouver des moyens de stimuler le cerveaucerveau pour apprendre ou encore pour endiguer des addictions ; bref pour ouvrir ou couper les « vannes » qui n’obéissent pas à la conscienceconscience et faire ce qu’on veut avec ses ressources internes. Mais que se passerait-il si un jour, on arrivait à faire aimer des chosechoses « ingrates » aux gens (la plonge, la manutention, etc), à les rendre profondément passionnés pour ces chosechoses ? D’un point de vue humain, cela semblerait criminel, cruel, comme une condamnation : on rendrait ces individus aveugles à leur malheur, à leur condition misérable. Certains spectateurs de la situation pourraient alors dire : « Ce que voient ces gens, ce n’est pas la réalité. Regardez les prendre du plaisir à faire ces chosechoses… C‘est inhumain, travesti, pervers : on n’est pas supposé aimer cela. C’est comme les hommes qui aiment les hommes plutôt que les femmes : contre nature ».

C’est effectivement inhumain (dans le sens plus sur le niveau humainle niveau humain classique).

(ref ignorance, qualia, niveau d’existence).

Bien sûr c’est sans prendre du recul sur ce qui fait la valence des chosechoses. On pourrait en effet dire à peu près la même chosechose à propos de l’appréciation naturelle. Qu’est-ce qu’on est supposé aimer, hein ? L’appréciation est déjà « arbitraire », créatrice d’illusions. Nous non plus on ne voit pas la « vraie » réalité. Ce qui nous fait dire qu’il s’agit d’un sort cruel, c’est juste qu’on ne partage pas les mêmes associations (~ cf qualia, chapitre 2). On ne peut pas ne pas savoir qu’on est malheureux. On l’est ou on ne l’est pas.

À la base, les hommes aiment les femmes (et inversement) pour des raisons de bon fonctionnement naturel, pourtant on ne voit pas cela comme une servitude ; au contraire, on aurait tendance à dire que c’est plutôt bien comme ça ! De notre point de vue d’être humain normal, c’est simplement ainsi que sont les chosechoses. Ce qui signifie que pour maintenir l’équilibre, la nature utilise déjà cette stratégie « décriée » (de tailler la perception aux chosechoses) avec la perception existentielleperception existentielle (cf chapitre 1 et 6). Cette morale qui nous fait voir ce genre de « transformation cérébrale » d’un mauvais œil entre d’ailleurs totalement dans ce cadre ; elle est bien commode pour établir et maintenir un écosystème humain.

 

« Tu as essayé de nous asservir, mais ça ne va pas se passer comme ça ! »

En outre, cela fait des lustres que l’humanité est sortie des sentiers naturels et « gruge » le patron Nature. Bien sûr à travers des chosechoses évidentes comme la contraception, mais aussi avec tout type de divertissement (par exemple les jeux-vidéo dont je parlais plus haut) et autres consommables (sucreries, alcool, etc). On essaye de détourner les systèmes naturels à notre avantage (plutôt qu’à l’avantage du monde et de ses écosystèmes).

Ce qui est drôle c’est que tout ce qu’on a réussi à faire en essayant de profiter du monde c’est de modifier notre perception existentielleperception existentielle, et non la supprimer. Maintenant ce qui a de la valeur arbitraire c’est le divertissement et les consommables, et on met en œuvre une quantité de ressources assez délirante pour les produire. C’est devenu une industrie dont nous sommes les esclaves.

Et donc si un jour on arrive à modifier les cerveaucerveaux pour effectuer efficacement le travail qu’on veut, on en reviendrait au même. Notre perception est déjà taillée pour les chosechoses, et c’est de la que nos suppositions (idées de ce qui est plaisant, idées de ce qui est un travail) actuelles émergent. Si on la retaille, les suppositions changeront avec, et il faudra encore la retailler… Le serpent se mort la queue.

D’un point de vue naturel, le plaisir est un leurre plus ou moins direct vers un travail particulier. Tant que les individus aimeront (certaines chosechoses et non tout), il y aura du travail. Or des individus qui aiment tout (ou qui n’aiment rien) ne peuvent constituer un écosystème viable. Le plaisir comme le déplaisir ont un rôle fonctionnel : aucun des deux n’a de sens sans l’autre.

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